Ce slogan évoque par dialogisme l’expression « Sois belle et tais-toi » qui reprend le titre d’un film de Marc Allégret (1958). C’est l’histoire d’un beau corps féminin certes, mais aussi d’une belle âme aidante et véridique dont la police ne découvre les qualités que sur le tard. À dix ans de distance, le personnage joué par Mylène Demongeot encourage la jeunesse dans les mémoires françaises. Mais le slogan ne fait pas que recruter le titre, il le transforme en substituant « jeune » à « belle ». D’abord, on a encore moins de prise sur l’âge que sur la beauté : on ne peut pas choisir d’être jeune. Plus encore que dans le premier cas, on se rabat donc sur un sens dérivé, lui réalisable (contente-toi de ce que tu es). Mais surtout, l’image précise l’énoncé comme l’énonciateur. C’est De Gaulle dont l’ombre envahissante, coiffée d’un képi qui en fait l’allégorie de tout pouvoir adulte, armé, puissant, et dans le même temps occulte, cloue le bec du jeune homme emblématique : cheveux longs selon des critères militaires, mais acceptables pour d’autres normes, et juste assez hirsutes pour n’être pas « bien peignés ». Comme « sois belle et tais-toi », l’injonction, employée par antiphrase, dénonce ce qu’elle semble imposer : le sexisme dans le premier cas, le déni de reconnaissance politique de la jeunesse dans l’autre. L’existence de l’affiche fait bien plus qu’attester une possible désobéissance, elle la légitime : figurée par une main posée par derrière sur la bouche d’une victime à laquelle on identifie ses enfants sans rechigner, l’ombre du pouvoir, comme un quelconque malfrat, l’empêche de crier. On est content que cela échoue.