
(Daniel Cohn-Bendit, 2012)
Paillasson ou maison ? Les deux appartiennent au même champ lexical (pas de bonne maison sans paillasson, et réciproquement). Ils riment, ce en quoi l’on peut voir en cédant aux illusions de la paronomase, toujours rhétoriquement efficace, un reflet de leur association. Mais ils témoignent d’une antithèse fonctionnelle : le paillasson est un lieu de passage pour entrer dans son habitation les pieds propres. C’est cette antithèse qui se répartit avant et après un « mais » métalinguistique, lequel oppose deux formulations au sein d’une seule et même métaphore : sous quelque forme qu’on doive se la représenter, l’Europe, familière, concrète, aura un rapport au « chez soi », qu’elle le constitue ou qu’elle permette d’y accéder ; elle sera donc associée au foyer et promue au rang des réalités de première nécessité.
Pour représenter l’Europe, Cohn-Bendit choisit résolument la maison, surtout valorisée par ce qui s’y loge de solidarité humaine (« commune », « ensemble » qui font écho à « union »), et non le paillasson – tout en laissant supposer que les conceptions courantes choisissent, elles, le paillasson. La métaphore qui cible des objets particuliers (maison, paillasson) convoque avec eux des scènes entières. Dans une maison, on entre, et pour ne pas la salir on s’essuie les pieds.
Les métaphores spatiales implicitées (entrer dans, être dans, rejoindre…) sont une transposition conceptuelle courante. La dévalorisation du paillasson, elle, est innovante : que laisse-t-on en dehors de la maison grâce au paillasson ? De la boue, des graviers, de la poussière – des saletés. La participation à l’Europe pourrait n’être pour la France, comme pour d’autres pays, qu’un moyen parmi d’autres de conserver confortablement son fonctionnement habituel interne. Mais Cohn-Bendit est clair : pas d’« Europe washing » !
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