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Catégorie : Non classé

La métaphore en politique

24 janvier 202324 janvier 2023 Chloé Gaboriaux

Appel à communications

Deuxièmes rencontres de Jarnac “Paroles politiques”, Institut François Mitterrand, vendredi 30 juin 2023

Coordination : Paul Bacot et Yves Déloye

De très longue date, la métaphore a été au centre d’une abondante littérature. Dans la période contemporaine, ce sont tout naturellement les sciences du langage, dans leurs différentes spécialités, qui en ont fourni la part principale, à côté d’autres disciplines des sciences humaines et sociales, comme la psychologie ou la philosophie. Considérée comme la figure rhétorique la plus utilisée, y compris dans la vie ordinaire (Lakoff & Johnson, 1985), voire la figure par excellence, elle a été décrite comme remplissant trois fonctions principales (Bonhomme, 2002) : une fonction esthétique (longtemps la seule prise en considération), en cela qu’elle enjolive le discours, valorisant par là-même son auteur ou autrice ; une fonction cognitive, en cela qu’elle rend visible ce qui n’est pas immédiatement perçu ; une fonction persuasive, en cela qu’elle produit l’adhésion du récepteur à une certaine représentation de la réalité, malgré ou du fait de son caractère fallacieux (Plantin, 2016), voire une forme de manipulation (Jamet et Terry dir., 2020). La métaphore joue sur un « ça va de soi » qu’il faut replacer dans un relativisme culturel (Goatly, 2007).

La dimension coopérative de la métaphore a été largement soulignée : elle ne peut remplir son office que si la personne qui lit ou entend le propos concerné sait l’interpréter. Il faut bien comprendre ce que les deux objets placés dans la comparaison condensée et implicite qu’est la métaphore ont en commun : que révèle cette intersection montrée entre les deux domaines connectés ? Le fameux slogan « Giscard à la barre ! » ne fonctionne que si son destinataire entend de quelle barre il s’agit et à quoi elle sert : « son élucidation est confiée à l’auditoire » (Plantin, 2016, p. 385). De ce fait, si la figure métaphorique, comme on l’a dit, valorise la personne qui y a recours, elle valorise aussi celle qui la reçoit correctement – ou qui l’interprète à sa façon (Davidson, 1978).

La figure métaphorique repose sur un écart – entre l’usage habituel du mot et l’usage décalé qui en est fait. Il ne faut donc négliger ni l’effet de surprise que produit la métaphore (pour autant qu’elle ne soit pas figée dans un cliché bien usé), ni sa dimension comique ou humoristique, pouvant aller jusqu’à l’insulte. Elle est particulièrement bien adaptée à la fabrique des « petites phrases » (Boyer & Gaboriaux, 2018), les quelques mots qui la constituent retenant l’attention et pouvant devenir cet énoncé détaché circulant dans les médias. On joue aussi sur l’économie langagière : un mot, parce qu’il est utilisé métaphoriquement, dit beaucoup de choses à moindre coût.

La métaphore est un trope, en ce qu’elle produit un déplacement : pour reprendre l’exemple déjà mobilisé, on va et vient entre le domaine sémantique du gouvernement et celui du gouvernail, entre le domaine politique et le domaine maritime – l’un des marqueurs du discours gaullien (Bon, 1986). Ce rapprochement peut avoir un usage positif, comme ici, ce qui est suggéré étant la capacité à conduire le navire-pays contre vents et marées, mais peut aussi avoir un usage négatif, comme lorsqu’on parle d’un candidat à l’élection présidentielle comme d’un « capitaine de pédalo ». Qu’il s’agisse d’une métaphore de structure analogique ou de structure homologique (Constantin de Chanay & Rémi, 2002), il convient de mettre au jour la diversité des catégories mises en jeu, la métaphore pouvant s’exprimer par des formes variées : verbe, adjectif, adverbe, mot grammatical…

Bien sûr, on a déjà beaucoup écrit sur l’utilisation de la figure métaphorique en politique (Gingras, 1996 ; Gonzalez, 2012). Les domaines ressources mobilisés à cet effet ont été listés. On sait que chez les acteurs de la vie politique, comme chez les personnes qui la commentent ou l’analysent, certaines métaphores sont très présentes : maritimes et plus largement liquides (Bernardot, 2016 ; Mecquenem, 2021), guerrières (Howe, 1988 ; Gauthier, 1994), sportives (Howe, 1988), météorologiques, sanitaires, organiques (Lemoine, 2001). D’autres nous emmènent vers la vie sentimentale, le jeu (Ching, 1993), la famille, le théâtre, la religion, le cinéma, la construction, le cirque, le carnaval, le commerce et la publicité… Sans oublier l’omniprésence de la métaphore spatiale, qui sert à délimiter les camps et à situer les acteurs par rapport à des clivages (Bacot & Rémi dir., 2007). Mais en quoi le recours à cette figure de style présente-t-elle quelques spécificités lorsqu’il s’agit de parler en, ou de, politique ? Peut-on considérer qu’elle est plus fréquente dans ce domaine de la vie sociale que dans d’autres ? Remplit-elle alors des fonctions particulières ? Peut-on en objectiver et en mesurer l’efficacité propre (Bosman, 1987 ; Mio, 1997, Carvier & Pikalo dir., 2008 ; Perrez et Reuchamps dir., 2015 ; Boeynaems et al., 2017 ; Legein, Vendeleene et al., 2022) ?

Au-delà de l’examen d’un probable lien étroit entre le discours politique et le dispositif rhétorique en question, on tentera d’opérer des distinctions majeures selon les critères en usage en sciences sociales et tout particulièrement en science politique. La métaphore est-elle autant utilisée, et de la même façon, selon les caractéristiques personnelles, sociales et idéologiques du locuteur (âge, genre, profession, origine sociale et ethnique, mais aussi place dans le jeu politique) ; selon les conjonctures politiques ; selon les époques, distinguées dans le temps long et dans le temps court ; selon les régimes politiques et selon les pays ou les régions ? De même, le recours à la métaphore dans le journalisme politique ou dans la pratique politologique connaît-il des variations, et selon quelles modalités ? D’une manière générale, en politique ou à propos de la politique, quels sont les effets attendus et les effets obtenus par le recours à la métaphore ? Ainsi, puisqu’en déplaçant, la métaphore détourne, on pourra se demander si elle ne contribue pas à un certain désenchantement de la politique, en même temps qu’à sa mise en spectacle ou encore à sa simplification excessive. Plus largement, on s’interrogera sur son rôle dans la construction et la structuration de la réalité politique, à travers l’apport de cadres interprétatifs – Paul Ricoeur (1975) parle de « réécriture de la réalité » par la métaphore.

Tout a-t-il été dit sur l’usage de la métaphore dans le champ politique ? Nous faisons ici le pari que beaucoup peut encore être apporté, par des études usant de méthodologies variées et portant sur des objets diversifiés : discours, ouvrages, circulaires électorales, tracts, débats, interviews, pour s’en tenir à la seule parole politicienne, mais aussi articles, études, éditoriaux, livres de journalistes ou de politistes – voire propos de citoyens « ordinaires » (Heyvaert et al., 2020). Sur l’aspect de la relation entre science politique et langage métaphorique, on ne pourra négliger une question particulièrement sensible : la métaphore est-elle soluble dans la pratique scientifique ? A priori, la réponse est totalement négative, la science ayant besoin d’une terminologie excluant l’ambiguïté, laquelle est une dimension constitutive de la métaphore. Mais est-ce aussi simple ?

Last but not least, il ne serait peut-être pas hors-sujet de prendre en considération, non seulement les métaphores utilisées dans le domaine politique, mais aussi les métaphores politiques présentes dans d’autres domaines de la vie sociale : ne dit-on pas qu’une équipe est « en ballottage favorable » dans une compétition sportive ?Du fait de la nature des Rencontres « Paroles politiques » de Jarnac et notamment de celle de la thématique retenue pour leur deuxième saison, la pluridisciplinarité est vivement souhaitée. Si cet appel concerne notamment les sciences du langage et les sciences du politique, il s’adresse aussi à d’autres sciences humaines et sociales.

Les propositions de communications (5000 signes environ, brève bibliographie comprise) devront parvenir aux coordinateurs (paul.bacot@sciencespo-lyon.fr et y.deloye@sciencespobordeaux.fr) avant le lundi 20 février 2023. Elles seront examinées par le Comité scientifique des Rencontres. Les réponses seront adressées aux soumissionnaires au plus tard le lundi 20 mars 2023. Les frais de déplacement et de séjour des participants seront pris en charge par l’Institut. Une publication des contributions est programmée, comme pour les Premières Rencontres de 2022 (Bacot, Paul ; Déloye, Yves et Gorce Gaëtan, dir., à paraître, Quand la langue politique fourche. Lapsus, erreurs et malentendus, Paris, L’Harmattan, collection « Langue & Parole »).

Eléments de bibliographie

Bacot, Paul et Rémi-Giraud, Sylvianne, dir., 2002, « Les métaphores spatiales en politique », Mots. Les langages du politique, 68.

Bacot, Paul et Rémi-Giraud, Sylvianne, dir., 2007, Mots de l’espace et conflictualité sociale, Paris, L’Harmattan.

Bernardot, Marc, 2016, « De Lesbos à Calais. S’enfoncer dans la métaphore liquide », in Lequette, Samuel et Le Vergos, Delphine, dir., Décamper. De Lampedusa à Calais, Paris, La Découverte, p. 36-48.

Bertrand, Dominique, 2013, Nature et politique. Logique des métaphores telluriques, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal.

Boeynaems, Amber ; Burgers, Christian ; Konijn, Elly A. et Steen, Gerard J., 2017, « The Effects of Metaphorical Framing on Political Persuasion: A Systematic Literature Review », Metaphor and Symbol, 32/2, p. 118-134.

Bon, Frédéric, 1985, « Langage et politique », in Grawitz, Madeleine et Lecas, Jean, dir., Traité de science politique, Paris, Presses universitaires de France, Tome 3, p. 537-573.  

Bonhomme, Marc, 2002, « Métaphore », in Charaudeau, Patrick et Maingueneau, Dominique, Dictionnaire d’analyse du discours, Paris, Seuil, p. 375-378.

Bosman, Jan, 1987, « Persuasive Effects of Political Metaphors », Metaphor and Symbolic Activity, 2/2, p. 97-113.

Boyer, Henri et Gaboriaux, Chloé, dir., 2018, « Les ‘petites phrases’ », Mots. Les langages du politique, 117.

Carver, Terrell et Pikalo, Jernej, dir., 2008, Political Language and Metaphor: Interpreting and Changing the World, Londres, Routledge.

Charbonnel, Nadine et Kleiber, Georges, dir., 1999, La métaphore entre philosophie et rhétorique, Paris, Presses universitaires de France.

Charteris-Black, Jonathan, 2005, Politicians and Rhetoric. The Persuasive Power of Metaphors, Basingstoke, Palgrave Macmillan.

Charteris-Black, Jonathan, 2014, Analysing Political Speeches: Rhetoric, Discourse and Metaphor, Basingstoke, Palgrave Macmillan.

Charteris-Black, Jonathan, 2017, « Competition metaphors and ideology. Life as a race », in Wodak, Ruth et Forchtner, Bernard, dir., The Routledge Handbook of Language and Politics, London, Routledge, p. .

Ching, Marvin K.L., 1993, « Games and Play : Pervasive Metaphors in American Life », Metaphor and Symbolic Activity, 8/1, p. 43-65.

Constantin de Chanay, Hugues et Rémi-Giraud, Sylvianne, 2002, « ‘Espèces d’espaces’. Approche linguistique et sémiotique de la métaphore », Mots. Les langages du politique, 68, p. 75-105.

Cunillera Domènech, Montserrat, 2010, « Les métaphores dans le discours politique », Synergies Espagne, 3, p. 107-117.

Davidson, Donald, 1978, « What Metaphors Mean », Critical Inquiry, 5/1, p. 31-47.

Descimon, Robert, 1992, « Les fonctions de la métaphore du mariage politique du roi et de la république en France, XVe-XVIIIe siècles », Annales, 47/6, p. 1127-1147.

Edelman, Murray J., 1971, Politics as Symbolic Action: Mass Arousal and Quiescence, Chicago, Markham.

Edelman, Murray J., 1988, Constructing the Political Spectacle, Chicago, The University of Chicago Press.

Gauthier, Gilles, 1994, « La métaphore guerrière dans la communication politique », Recherches en communication, 1, p. 131-147.

Gibbs, Raymond W. Jr., 2015, « The allegorical character of political metaphors in discourse », Metaphor and the Social World, 5/2, p. 264-282.

Gingras, Anne-Marie, 1996, « Les métaphores dans le langage politique », Politique et Sociétés, 30, p. 159–171.

Goatly, Andrew, 2007, Washing the Brain. Metaphor and Hidden Ideology, Amsterdam, John Benjamins.

González García, José M., 2012, Métaphores du pouvoir, Mix, trad. de l’espagnol par Aurélien Talbot (Metáforas del poder, 1998, Madrid, Alianza Editorial).

Heyvaert, Pauline ; Randour, François ; Dodeigne, Jérémy ; Perrez, Julien et Reuchamps, Min, 2020, « Metaphors in political communication. A case study of the use of deliberate metaphors in non-institutional political interviews », Journal of Language and Politics, 19/2, p. 201-225

Howe, Nicholas, 1988, « Metaphor in Contemporary American Political Discourse », Metaphor and Symbolic Activity, 3/2, p. 87-104.

Jamet, Denis et Terry, Adeline, dir., 2020, « Metaphors We Manipulate with », ELAD-SILDA, 5.

Koroleva, Iuliia, 2018, La métaphore conceptuelle dans le discours politique russe contemporain, Thèse, Université Toulouse-Jean Jaurès.

Lakoff, George et Johnson, Mark, 1985, Les métaphores dans la vie quotidienne, Paris, Minuit, Traduit de l’anglais (États-Unis) par Michel de Fornel avec la collaboration de Jean-Jacques Lecercle [Metaphors We Live By, Chicago, The University of Chicago Presse, 1980].

Lala, Marie-Christine, 2005, « La métaphore et le linguiste », Figures de la psychanalyse, 11, p. 145-161.

Laroche, Hervé, 2022, Dictionnaire des clichés littéraires, Arléa.

Le Guern, Michel, 1973, Sémantique de la métaphore et de la métonymie, Paris, Larousse.

Legein, Thomas, Vendeleene, Audrey et al., 2022, « Metaphors, political knowledge and the basic income debate in Belgium. An experimental stydy of the framing impact of metaphors on political représentations », Metaphor and the Social World,  https://doi.org/10.1075/msw.20015.van

Lemoine, Maël, 2001, « Remarques sur la métaphore de l’organisme en politique. Les principes de la philosophie et les deux sources de la morale et de la religion », Les Études philosophiques, 4/59, p. 479-497.

Marchetti, Melina, 2022, « La métaphore dans le lieu commun. L’exemple de l’affiche du mouton noir de l’UDC », Fabula / Les colloques, Lieu(x) commun(s) : quand les œuvres rassemblent, http://www.fabula.org/lodel/colloques/index.php?id=8543.

Mecquenem, Isabelle de, 2021, « La ‘démocratie liquide’ : sur les traces d’une métaphore à succès, The Conversation, https://theconversation.com/la-democratie-liquide-sur-les-traces-dune-metaphore-a-succes-170127

Mio, Jeffery Scott, 1997, « Metaphor and Politics », Metaphor and Symbol, 12/2, p. 113-133.

Musolff, Andreas, 2016, Political Metaphor Analysis. Discourse and Scenarios, London & New York, Bloomsbury Academic.

Olivar, José Alberto, 2010, « La construction de la modernité. Métaphores et politique dans deux discours de Marcos Pérez Jiménez (1953-1957) », Letras, 52/82, p. 157-173.

Pankake, Ann, « Taken by Storm: The Exportation of Metaphor in the Persian Gulf War », Metaphor and Symbolic Activity, 8/4, p. 281-295.

Patiño-Lakatos, Gabriela, 2012, « Dimension pragmatique de la métaphore. Discours politique, référence et monde », in Aubry, Laurence et Turpin, Béatrice, Victor Klemperer. Repenser le langage totalitaire, Paris, CNRS Editions.

Perelman, Chaïm et Olbrechts-Tyteca, Lucie, 1970, Traité de l’argumentation. La nouvelle rhétorique, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles (1e édition 1958, Paris, PUF, 2 volumes).

Perrez, Julien ; Reuchamps, Min et Thibodeau, Paul H., dir., 2012, Variation in Political Metaphor, Amsterdam, John Benjamins Publishing Compagny.

Perrez, Julien et Reuchamps, Min, 2012, « Métaphores conceptuelles dans les discours citoyens en Belgique », in Perrez, Julien et Reuchamps, Min, dir., Les relations communautaires en Belgique. Approches politiques et linguistiques, Paris / Louvain-la-Neuve, L’Harmattan / Academia, p. 133-158.

Perrez, Julien et Reuchamps, Min, dir., 2015, « The political impact of metaphors », Metaphor and the Social World, 5/2.

Pinere Pinero, Gracia, 2020, « Métaphore intertextuelle et deixis idéologique dans le discours politique. Répercussions sur la traduction », Des mots aux actes,
9, Traductologie et discours : approches théoriques et pragmatiques
, p. 69-85.

Plantin, Christian, dir., 1993, Lieux communs, topoï, stéréotypes, clichés, Paris, Kimé.

Plantin, Christian, 2016, « Métaphore, Analogie, Modèle », in Plantin, Christian, Dictionnaire de l’argumentation. Une introduction aux études d’argumentation, Lyon, ENS Editions, p. 385-390.

Read, Stephen J. ; Cesa, Ian L. ; Jones, David K. et Collins, Nancy L., 1990, « When Is the Federal Budget Like a Baby ? Metraphor in Political Rhetoric », Metaphor and Symbolic Activity, 5/3, p. 125-140.

Ricoeur, Paul, 1975, La métaphore vive, Paris, Seuil.

Rigotti, Francesca, 1990, « La théorie politique et ses métaphores »,  Revue belge de Philologie et d’Histoire, 68-3, p. 548-564.

Saad, Wisam, 2021, La métaphore dans le discours politique. Les articles de Lluis Bassets à titre d’exemple, Editions Notre savoir.

Searle, John, 1982, Sens et expression, trad. fr., Paris, Minuit (1e édition 1979, Expression and Meaning, Cambridge, Cambridge University Press).

Sperber, Dan et Wilson, Deirdre, 1989, La pertinence, trad. fr., Paris, Minuit (1e édition 1986, Relevance, Communication and Cognition, Oxford, Blackwell).

Spinhirny, Frédéric, 2003, La métaphore dans le commentaire politique, Paris, L’Harmattan.

Spinhirny, Frédéric, 2015, Éloge de la dépense. Le corps politique comme métaphore, Sens et Tonka.

Sacks, Sheldon, dir., 1978, On Metaphor, Chicago, The University of Chicago Press.

« Special Issue on Metaphor », 1978, Critical Inquiry, 5/1.

Comité scientifique

Cécile Alduy, Pr. de littérature et civilisation française à Stanford University

Ruth Amossy, Pr. émérite de culture française à l’Université de Tel-Aviv

Paul Bacot, Pr. émérite de science politique à Sciences Po Lyon

Marc Bonhomme, Pr. de linguistique française à l’Université de Berne

Yves Déloye, Pr. de science politique à Sciences Po Bordeaux

Dominique Desmarchelier, MCF honoraire de sciences du langage

Marianne Doury, Pr. de sciences du langage à l’Université Paris-Descartes

Chloé Gaboriaux, MCF HDR de science politique à Sciences Po Lyon

Anne-Marie Gingras, Pr. de sciences politiques à l’Université du Québec à Montréal

Gaëtan Gorce, Secrétaire général de l’Institut François Mitterrand

Christian Plantin, Pr. émérite de sciences du langage à l’Université Lumière Lyon 2

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Dedans avec les miens, dehors en citoyen

23 mars 202123 mars 2021 Hugues Constantin de Chanay

Crédits photo : L’Express

Face à la crise sanitaire et au reconfinement qu’elle impose, le nouveau slogan gouvernemental dévoilé par Jean Castex est un petit bijou de communication, qui regorge de figures peut-être un peu trop voyantes. L’ensemble est un alexandrin décomposable en deux hexamètres homorythmiques (2/4) et homosyntaxiques (adverbe de lieu + syntagme prépositionnel rimant en [jɛ̃], rime dite suffisante – répétant deux sons), double homologie sémantiquement renforcée par une antithèse (« dedans »/« dehors »). Comme la rhétorique publicitaire qui met en avant le consommateur, le slogan fournit polyphoniquement au consommateur un « prêt-à-parler » manifeste dans l’énallage de personne (« les miens » : la 1re personne, celle du locuteur, renvoie plutôt à tout électeur-cible qu’au porte-parole Jean Castex). Quant à « citoyen », au point de verrouillage mémoriel du slogan, non seulement il affirme paradoxalement compatibles l’isolement du confinement et la relation aux autres (figure du « en même temps », qualité centrale de l’éthos macronien), mais encore c’est un foyer topique en vogue (à une époque où l’on parle, toujours favorablement, de « comportement éco-citoyen », de « citoyen de la planète », etc.). Seul hic : toute rhétorique dehors, ce slogan semble témoigner d’une confusion entre communication et marketing (tare congénitale du libéralisme ?) et « sent » dialogiquement trop ouvertement son modèle publicitaire – technique qui fait prendre des vessies pour des lanternes.

Posted in Figurez-vous..., Non classéTagged énallage de personne, éthos, homologie, paradoxe, polyphonie, topos

« Du vert et du pas mûr »

14 décembre 20209 février 2021 Hugues Constantin de Chanay

Libération, 13 octobre 2020

Le week-end des 11 et 12 octobre 2020, le gouvernement français publie son budget prévisionnel. Libération persiffle en une : les propositions écologiques n’y ont pas été assez réfléchies. Le journal le dit avec tant de figures de styles que la formule, rhétoriquement motivée et très péjorative, rend très difficile la contestation.

Y sont isotopes en effet (c’est-à-dire en harmonie sémantique) : la métonymie chromatique qui désigne les écologistes (le vert est la couleur emblématique des végétaux), ouvrant ici la voie à une syllepse (le vert est le premier degré de maturation des végétaux non verts) ; une métaphore biologique du développement des plantes (« pas mûr » signifie « trop peu réfléchi ») ; une évocation par dialogisme de l’expression lexicalisée « des vertes et des pas mûres » (classique métaphore des incartades stéréotypiquement juvéniles).

Le jeu syntaxique présente en coordination ce qui est en fait une attribution (le vert n’est pas mûr), en quoi l’on reconnaît un hendiadyn. Vrai pléonasme, c’est-à-dire pas une vaine périssologie, la formule construit par l’identité sémantique insistante un au-delà hyperbolique de l’immaturité : entendre ou faire des vertes et des pas mûres, c’est entendre ou faire « des choses extraordinaires, incroyables, scandaleuses ». La présentation en hendiadyn a un triple avantage : d’abord elle laisse au lecteur la responsabilité de produire dans son interprétation l’équivalence attributive, qui n’est littéralement qu’implicite ; ensuite elle dissocie, par la coordination, ce qui est coréférentiel – il s’agit toujours des projets écologiques, mais « verts » les identifie politiquement tandis que « pas mûr » les qualifie, précisément les disqualifie ; enfin, elle permet de récupérer par dialogisme une expression qui en fait des projets saugrenus et simplets – nouvel éthos d’un parti qui s’était initialement présenté, face au RN, comme celui du sérieux et de la sagesse.

Posted in Figurez-vous..., Non classéTagged dialogisme, éthos, hendiadyn, hyperbole, lexicalisation, métonymie, motivation rhétorique, périssologie, pléonasme, syllepse

Violences policières

19 juin 20207 septembre 2020 Michelle Lecolle

par Michelle Lecolle

En ce mois de juin 2020, aux États-Unis, le décès, par étranglement au sol par un policier, d’un homme noir de 46 ans, George Floyd, réanime avec force les mouvements de protestation contre les violences policières, en particulier à l’égard des populations noires. Les réactions gagnent le monde entier, et trouvent un écho en France, où cette actualité ravive tout à la fois la question du racisme et des discriminations et celle des violences policières[1].

Poussée par l’actualité de manifestations presque quotidiennes, aux États-Unis et en France, cette expression est devenue courante, à tel point qu’elle sert, pour la presse, à délimiter un « sujet », comme le montre le titre :

(1) VIOLENCES POLICIÈRES Deux policiers lourdement condamnés pour avoir roué de coups un adolescent dans les quartiers Nord de Marseille étaient jusqu’ici toujours en exercice, comme l’avait révélé 20 Minutes (20 minutes, 11/06/2020)

La soudaineté avec laquelle l’expression s’est imposée étonne les observateurs[2], tant ils ont été habitués à ce que, même si elle n’est pas nouvelle, elle soit généralement évitée, contournée, employée entre guillemets à l’écrit. En effet, depuis le début du mouvement des Gilets jaunes en novembre 2018, des violences à l’égard de manifestants et même de journalistes ont été largement documentées par de nombreuses vidéos circulant sur les réseaux sociaux – relayées systématiquement par le journaliste David Dufresne, parmi d’autres –, sans jamais être officialisées dans les médias majoritaires et jamais, ou presque, nommées sans réserves et précautions ; elles sont même niées par les hommes politiques au pouvoir – du ministre de l’Intérieur au Président de la République.

Beaucoup a été dit sur cette histoire récente, notamment celle des mouvements de Gilets jaunes, mais aussi à propos de différentes pratiques policières antérieures[3]. Mais on s’en tiendra ici au langage, aux mots employés et à la manière dont ils le sont.

Du point de vue linguistique et dans son contexte socio-historique l’expression est vue comme problématique, d’une part à cause des mots eux-mêmes et de leur signification – violences policières n’est-il pas un oxymore, les policiers devant être les garants de la paix ? –, d’autre part du point de vue de son rapport au réel. Ce qu’on peut aborder de la manière suivante, en trois points :

  1. Les violences policières existent-elles ? autrement dit, l’expression correspond-elle à une réalité ?
  2. L’expression est-elle appropriée pour dénommer les réalités observées ?
  3. Quel est son sens ?

On notera que ces questions sont intriquées : la troisième est alimentée par les deux autres, mais rétroagit aussi sur elles, dans la mesure où l’adéquation entre mots et monde dépend de ce que l’on perçoit de celui-ci, mais aussi repose sur les représentations que les mots employés façonnent. Ces questions se posent dans la mesure où la « réalité » (supposée) correspondant à violences policières n’est pas simple et immédiate, mais composite, fondée sur de multiples événements qu’on doit relier en postulant leur analogie pour pouvoir les additionner, et dont on peut discuter les causalités.

Les violences policières existent-elles ?

Mettons provisoirement de côté la question des mots eux-mêmes, et concentrons-nous sur celle de l’existence même de la réalité dénommée, et de la manière de dire cette existence.

Cette question est traitée en linguistique dans ce qu’on appelle la « présupposition d’existence[4] » : parler de violences policières, en employant un article défini, comme en (2) ou en (4), sans article comme en (3), et a fortiori dans un titre comme (1), c’est présupposer l’existence de ces violences policières, c’est-à-dire l’envisager comme évidente, et non une question à débattre.

(2) […] une grogne populaire contre les violences policières qui n’en finit plus d’enfler (Arrêt sur Images, juin 2020)

(3) Marseille : Suspension des deux policiers condamnés pour violences policières (20 minutes, 11/06/2020)

(4) Une tribune dénonce « l’impunité des violences policières » (Le Figaro, 2/02/2020)

Et c’est bien ce qui constitue une part de la controverse, lorsque certains acteurs du monde politique, des syndicats policiers ou des médias occultent ou nient explicitement cette existence, comme dans cet extrait :

(5) « “C’est un mensonge C’est un mensonge” : le président des Républicains, Christian Jacob, nie l’existence des violences policières en France » (France Info, 7/06/2020)

Les mots sont-ils adaptés ?

Mais on ne peut décemment nier que des personnes ont été frappées, blessées, et peut-être même tuées par des policiers ou des gendarmes. Dès lors, l’acceptation (ou non) de l’existence d’une réalité dont la dénomination incontestable serait violences policières est subordonnée au fait d’accepter les mots comme adaptés à cette réalité. Or, il existe, dans la parole « officielle », des dénominations concurrentes, telles que bavure policière (utilisée par l’avocat des policiers responsables du décès du livreur Cédric Chouviat, mort en janvier 2020), sans parler de termes comme erreur… Il s’agit là de signifier que le drame évoqué et surtout ses responsabilités ne relèvent que d’un accident, lui-même isolé et conjoncturel. Dans ce cas, une variante consiste à argumenter la réponse proportionnée, et, par exemple, l’agressivité de la victime lors d’un contrôle ou d’une interpellation : la violence du policier est alors réputée légale[5] ; l’argument est parfois répété à l’envi dans sa version médiatique. Une autre variante, portant cette fois sur les agents, consiste à reconnaître la disproportion de leur action (qu’il s’agisse de racisme ou de violence ou de violence raciste…), mais de la rapporter à « quelques brebis galeuses ». Dans tous les cas, la conséquence est que la violence, ou son extension, voire sa systématicité sont en quelque sorte minorées.

Une autre argumentation a été fournie par les ministres, et notamment par le secrétaire d’État Laurent Nunez à diverses occasions, comme il est rapporté dans l’extrait suivant (au lendemain du décès de Cédric Chouviat) ; l’existence de la violence n’y est pas réfutée, mais dite légitime, parce que légale : 

(6) Laurent Nunez a répondu ce jeudi aux accusations de violences de la police, dirigées depuis plusieurs mois contre les forces de l’ordre. Le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur refuse le terme « violences policières » mais lui préfère celui de « violence légale », selon BFMTV.
Pour lui, il est nécessaire de « réfuter ce terme de violences policières, parce qu’il laisse à penser qu’il y a un système organisé qui voudrait que la police soit répressive pour faire taire une contestation », a-t-il déclaré lors de son interview sur BFMTV. « Les policiers, évidemment, ne sont pas violents. La violence de l’État, c’est une violence qui est légitime, c’est-à-dire qu’elle est très encadrée. (…) C’est ce qu’on appelle la violence légale », a poursuivi l’ancien patron de la DGSI. (20 minutes, 23/01/2020)

Et dans cette prise de parole à l’Assemblée Nationale, le 9 juin 2020 :

(7) Non, la police n’est pas violente. La police exerce une violence légitime.

En réalité, en reprenant les mots de violence légitime – au lieu, par exemple, de force légitime, celle qui est encadrée, pour une police républicaine, par les nécessités du maintien de la paix dans l’espace public –, ce raisonnement quelque peu laborieux ne réfute pas du tout l’existence d’une violence, et même une violence non isolée dont le bras armé serait celui des policiers, mais il la rapporte à l’État : cela revient à avouer un choix réel.

Venons-en aux mots mêmes.     

Violences policières : violences de la police ? Violences des policiers ?

Chacun des deux mots de l’expression violences policières mérite commentaire. À cela, s’ajoute la relation entre le nom et l’adjectif ; enfin, il faut remarquer le pluriel : l’expression est, dans les faits, invariable. 

  • Violence

Le dictionnaire TLFi[6] propose plusieurs acceptions du mot violence. Celle qui parait la plus proche de notre cas est celle-ci :

 « (généralement au pluriel) Acte(s) d’agression commis volontairement à l’encontre d’autrui, sur son corps ou sur ses biens. Violences sexuelles ».

Elle présente violence comme un acte, et prend en compte la possibilité et même la probabilité de répétition de cet acte. Par ailleurs, elle en mentionne le caractère volontaire. D’où la question : de quelle volonté s’agit-il ? De qui est cette volonté ?

Mais envisageons un instant le singulier violence policière. Dans ce cas, l’acception la plus adaptée est celle qui repose sur la dérivation de violent à violence, et qui parle de « disposition, de comportement » :

« Disposition d’un être humain à exprimer brutalement ses sentiments ; le comportement qui la manifeste. »

Recourir publiquement à l’expression violence policière au singulier reviendrait alors, dans une première interprétation, à adhérer à une sorte d’hypothèse essentialiste consistant à rapporter intrinsèquement aux policiers une manière d’être. Cette option paraît difficile . Mais l’expression peut être employée au singulier en envisageant cette fois la violence, non pas des personnes (les policiers), mais de l’institution, comme instrument de l’État.

  • Violences policières

Au sein de l’expression, l’adjectif policières est à envisager comme un « adjectif relationnel, de relation » (voir Bartning et Noailly 1993, Krieg-Planque 2002, Roché 2006) : dans ce cas, l’adjectif exprime une relation avec le nom dont il est dérivé (historique = « relatif à l’histoire », scientifique = « relatif à la science », public = « relatif au public »). Dans ce sens, il ne dit rien de plus que le nom correspondant, mais sous forme adjectivale. Nous voilà donc ramenés au nom. Mais dans le cas de policier, deux noms sont possibles : police et policier, ce qui donne les « traductions » suivantes (en tenant compte du pluriel) :

  1. « Relatif à la police », ce qu’on peut traduire ici par « (violence) de la police »
  2. « Relatif aux policiers », ce qu’on peut traduire ici par « (violence) des policiers » (« de + les policiers »)
  3. « Relatif à des policiers », ce qu’on peut traduire par « (violence) de policiers » (de certains policiers).

Dans le cas a), il s’agit de rapporter les violences à la fois à l’institution « police » et à l’ensemble des policiers, puisque, à l’instar du nom armée, police est un nom collectif institutionnel (Lecolle 2019), c’est-à-dire un nom désignant un ensemble de personnes (ici, les policiers), mais aussi une institution, entité se situant par son rôle politique, administratif au sein d’une institution englobante (ici, l’État français).

Comme Nunez dans la première partie de l’extrait cité en (6) (éléments de langage obligent !), c’est bien ce que réfute la ministre de la justice, en niant la possibilité d’un choix délibéré et organisé :

(8) Sur France Inter, Nicole Belloubet expliquait donc lundi que, selon elle “le terme violences policières caractéris[ait] une volonté de l’Etat, sciemment pensée”. “Je crois que nous ne sommes pas du tout dans ce cadre-là”, insistait-elle, convenant cependant que certains faits n’étaient “pas acceptables” et devaient “être sanctionnés”. (Marianne, 23/01/2020)

Le cas b) serait celui où l’ensemble des policiers serait engagé – interprétation qui, dans sa brutalité, parait impossible à assumer.

Le cas c), en faisant porter la responsabilité sur certains policiers seulement, nous ramène aux « brebis galeuses ». Mais, comme pour le cas b), l’interprétation n’exonère pas (ou ne devrait pas exonérer) l’institution de la responsabilité qui est la sienne.

De fait, l’expression violences policières permet justement de ne pas trancher entre ces trois interprétations. Dès lors, on voit bien pourquoi elle ne peut être acceptée par le gouvernement, les dirigeants de la police et les syndicats policiers : indépendamment de la vérité même, pour des raisons politiques, ils ne peuvent (ou ne pensent pouvoir) avouer ni la responsabilité de l’institution ni celle de tout ou partie de ses agents – excepté dans les cas exceptionnels. Cela reviendrait à assumer le glissement – d’ailleurs pointé par certains observateurs – des violences policières à la violence politique. 

En définitive, l’emploi ou la réfutation de l’expression relève d’un acte de langage : celui de dire publiquement une réalité, de la qualifier. L’enjeu est donc bien ici la performativité – la capacité d’action – de la formule[7]. Dans cette bataille des mots, parole contre parole, imposer l’expression c’est imposer une vision de la réalité, et peut-être changer celle-ci.

Bibliographie

Bartning Inge et Noailly Michèle (1993). « Du relationnel au qualificatif : flux et reflux », L’Information grammaticale 58, p. 27-32.

Ducrot Oswald (1998). Dire et ne pas dire, Paris, Hermann.

Kerbrat-Orecchioni Catherine (2002). « Présupposé, Présupposition », in Charaudeau P. et Maingueneau D., Dictionnaire d’analyse du discours, Paris, Seuil, p. 467-469.

Krieg Alice (2002). « L’adjectif “ethnique” entre langue et discours. Ambiguïté relationnelle et sous-détermination énonciative des adjectifs dénominaux ». Revue de Sémantique et Pragmatique 11, p. 103-121.

Krieg-Planque Alice (2009), La notion de « formule » en analyse du discours, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté.

Krieg-Planque Alice (2012), Analyser les discours institutionnels, Paris, Armand Colin.

Lecolle Michelle (2019). Les noms collectifs humains en français. Enjeux sémantiques, lexicaux et discursifs, Limoges, Lambert Lucas.

Roché Michel (2006). « Comment les adjectifs sont sémantiquement construits », Cahiers de Grammaire,30, p. 373-387.

Tzutzuiano Catherine (2017). « L’usage des armes par les forces de l’ordre. De la légitime défense… à la légitime défense en passant par l’autorisation de la loi », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé (N° 4), p. 699-712. https://www.cairn.info/revue-de-science-criminelle-et-de-droit-penal-compare-2017-4-page-699.htm#re2no2 (consulté le 17 juin 2020).

Dictionnaires consultés

ATILF, CNRS. Le Trésor de la Langue Française Informatisé (TLFi). [en ligne] http://atilf.atilf.fr/tlf.htm


[1] Ceux qui utilisent l’expression englobent sous ce terme les violences jugées démesurées à l’égard de manifestants en groupe ou d’individus isolés, pendant ou après des manifestations, ou encore lors de contrôles de police, et notamment dans certains quartiers populaires pendant la période du confinement (mars-mai 2020). Pour ne parler que des cas les plus nets, il peut s’agir de tirs de LBD (Lanceurs de balles de défense), d’emploi de grenades GLIF4 (grenade dégageant du gaz lacrymogène, et contenant notamment du TNT), de matraquage, de courses poursuites menaçantes, d’agression avec des chiens, d’interpellations dites « musclées » dont certaines ont entraîné la mort de la personne interpellée.

[2] Voir notamment sur France Culture le 10 juin 2020 la réaction du journaliste David Dufresne, interviewé dans l’édition du matin, introduite par la question : « Comment expliquer l’ampleur des mobilisations contre les violences policières ? » https://www.franceculture.fr/emissions/la-question-du-jour/comment-expliquer-lampleur-des-mobilisations-contre-les-violences-policieres (consulté le 12/06/2020).

[3] Il existe une notice Wikipédia « Violence policière » depuis juin 2008, abondamment modifiée en juin 2020. Voir aussi le rapport d’ACAT (Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture) « Rapport “Maintien de l’ordre : à quel prix ?” », publié le 11 mars 2020 : https://www.acatfrance.fr/rapport/lordre-a-quel-prix (consulté le 12/06/2020). De son côté, Amnesty International a publié plusieurs communiqués, dont un en mars 2020 intitulé « Enquête : Violences policières et impunité en France : nous alertons les autorités depuis plus de 10 ans » : https://www.amnesty.fr/actualites/violences-policieres-et-impunite-en-france (consulté le 12/06/2020). En réalité, de nombreux articles de presse et de chercheurs jalonnaient déjà l’histoire française récente, au moins depuis les répressions dans la ZAD de Notre-Dame des Landes et la mort de Rémi Fraisse, jeune manifestant tué par une grenade offensive le 25 octobre 2014 à Sivens (Tarn). Voir notamment l’article de Médiapart du 10/06/2016, éloquemment titré : « Violences policières : ouvrez les yeux ! ». Sans prétendre à l’exhaustivité (loin de là), il y aurait lieu de mentionner également les pratiques policières à l’égard des réfugiés et parfois des bénévoles de soutien à ceux-ci, à Calais notamment (voir un article du Parisien du 23/04/2020  https://www.leparisien.fr/faits-divers/calais-cinq-migrants-portent-plainte-contre-des-crs-pour-violences-policieres-23-04-2020-8304873.php et un reportage de France 3 du 10/06/2020 https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/pas-calais/calais/calais-policiers-renvoyes-correctionnelle-faux-violences-benevole-britannique-1839538.html – références consultées le 16/06/2020).

[4] Ducrot (1998), Kerbrat-Orecchionni (2002), Krieg-Planque (2012).

[5] Voir les dispositions de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017, rapportées et analysées dans Tzutzuiano (2017).

[6] http://atilf.atilf.fr/tlf.htm

[7]  Au sens dégagé par Krieg-Planque 2009, c’est-à-dire une expression figée, circulante, et présentant un caractère polémique dans les discours publics.

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L’analyse du discours en Afrique francophone

4 novembre 20194 novembre 2019 Chloé Gaboriaux

Les 7 et 8 juin 2020, l’Université Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire) accueillera les journées d’étude et de lancement du Réseau Africain d’Analyse du Discours, organisées par nos collègues Djédjé Hilaire Bohui (UFHB, Côte d’Ivoire), Aimée-Danielle Lezou-Koffi (UFHB, Côte d’Ivoire), Fallou Mbow (UCAD, Sénégal) et Kalidou Sy (UGB, Sénégal). Pour télécharger l’appel à communications, c’est ici !

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Politique !

31 août 201931 août 2019 Chloé Gaboriaux

Notre dico s’enrichit d’une nouvelle entrée : “Politique”, par Michelle Lecolle.

A lire ici.

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« L’Europe n’est pas un supermarché. L’Europe est un destin commun »

23 mai 201923 mai 2019 Sylviane Remi

(Emmanuel Macron, 21 juin 2017)

Voilà ce qu’a déclaré Emmanuel Macron lors du premier entretien après son élection. Malgré la reprise du verbe être, il ne s’agit pas d’une tentative – laborieuse – de définition : rapprocher les mots supermarché et destin est en effet assez improbable. Pourtant, la compréhension de cet énoncé est immédiate et sa visée dénonciatrice et polémique, destinée à certains dirigeants d’Europe de l’Est, affichée sans ménagement. Si la structure opposant deux propositions sans lien logique, martelant le verbe être et le nom propre Europe, force l’attention, c’est surtout la métaphore du supermarché qui donne à l’énoncé un tour provocateur. Il suffit de comparer ce mot à son synonyme grande surface qui, par synecdoque de la partie (la dimension) pour le tout (le point de vente), appréhende le référent d’un point de vue quantitatif, technique et fonctionnel, afin de mesurer l’évaluation négative qui s’attache à supermarché. Ce mot composé est construit sur le nom marché, dont la riche polysémie va du marché traditionnel à l’ensemble des échanges commerciaux mondialisés  – le supermarché constituant en quelque sorte un point médian, en tant que lieu de vente qui ouvre sur l’ensemble d’un système économique. Surtout, il évoque le quotidien (on va « au supermarché » et non « à la grande surface »), une consommation à la fois « de masse » et totalement individualisée.

En décalage avec cette vision qu’il contribue à prosaïser un peu plus, l’attribut « un destin commun », présenté comme l’« être » de l’Europe (alors qu’on pourrait dire que « l’Europe a un destin »), exalte la vision élevée et unificatrice d’un avenir qui transcende les individualités et redonne aux peuples un souffle, une ambition, une énergie renouvelée.

Ce propos a été récemment reformulé par le président français : « […] l’Europe n’est pas qu’un marché, elle est un projet. Un marché est utile, mais il ne doit pas faire oublier la nécessité de frontières qui protègent et de valeurs qui unissent ». Il se veut entraînant ; mais il peut aussi être perçu comme méprisant : un citoyen, pris dans une situation socio-économique difficile qu’il voudrait dépasser au nom d’un idéal à condition d’en trouver les moyens, pourrait transformer l’énoncé en un slogan qui l’inverserait, à la façon de Prévert : « L’Europe n’est pas un destin super. L’Europe est un marché commun »…

Mise en ligne : mai 2019


Posted in Européennes, Non classéTagged métaphore, polysémie, prosaïser, synecdoque

Le « couple franco-allemand» par Willem

22 mai 201915 décembre 2020 Hugues Constantin de Chanay

Libération, 17 mai 2019, p. 21.

La France et l’Allemagne, dont la relation pèse sur toute l’Europe, auraient désormais des intérêts divergents. Ce dessin humoristique de Willem, qui transporte dans l’intimité d’une chambre à coucher, révèle leur brouille cachée. Il réduit par synecdoque l’Europe au seul « couple » franco-allemand. Ne parle-t-on pas couramment par métaphore de « mariage » de deux pays et d’« union Européenne » ? L’étroite association entre les nations est présentée comme une relation conjugale entre Angela Merkel et Emmanuel Macron, têtes d’une chaîne métonymique unissant dirigeants, gouvernements, pays et peuples. Ce couple occupe un lit dont la couverture étoilée (en référence au drapeau de la Communauté européenne où, à sa création en 1986, les douze pays étaient ainsi métaphorisés) désigne par une nouvelle métonymie l’Union européenne actuelle. Le confort et la chaleur de cette couverture se transmettent donc à l’Union et viennent souligner les bénéfices et la sécurité qu’elle assure.

L’intrication des métonymies et des métaphores se poursuit aux trois cases suivantes : dans ce lit qu’on imaginait propice au rapprochement, les personnages froncent les sourcils et pincent les lèvres, révélant par métonymie un désagrément qui se propage aux gouvernements par une autre métonymie, et prend la forme métaphorique (passage du concret à l’abstrait) d’une opposition dans l’union. Chacun des personnages tire d’abord « la couverture à soi » (nouvelle métaphore) et entend s’accaparer l’Europe ; puis la couverture se redéploie, et les acteurs se replacent. Mais ce retour métaphorique à une solidarité européenne ne gomme pas les divergences de vues, puisque c’est tête-bêche que couchent désormais Merkel et Macron. Est-ce à dire qu’une simple réorientation peut permettre à l’Europe de fonctionner ? Mais cela vaut-il mieux que de faire chambre à part ?

Mise en ligne : mai 2019

Posted in Européennes, Non classéTagged métaphore, métonymie, synecdoque

« on parle déjà de majorité obèse »

16 juin 201719 juin 2017 Hugues Constantin de Chanay

(journal de France Culture, 13 mai 2017, 8 heures)

Cette métaphore, lancée par des représentants politiques de gauche comme de droite, se répand dans des discours anonymes. Elle est ouvertement dénonciatrice, et s’inscrit dans un réseau d’images (les idéologies s’alimentent, s’abreuvent, les victoires sont maigres, les partis sont rachitiques, les payes sont grasses, etc.), qui tend à lui donner un caractère évident, car tout être humain sait ce que se nourrir signifie, et qu’un apport non régulé en nourriture augmente la corpulence. Sur ce terrain, l’obésité marque un au-delà du surpoids, un excès de l’excès. La majorité obèse, c’est grâce à la métaphore du corps l’inverse argumentatif de ce que serait un “plébiscite”. Donc : trop, c’est trop. Le mieux est l’ennemi du bien. Abondance de biens nuit.

Crédits : Patrick Kovarik

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« contre les drapeaux noirs »

13 juin 2017 Sarah Al-Matary

Emmanuel Macron, Oradour-sur-Glane, 10 juin 2017

 

Emmanuel Macron a placé sous le signe de la transmission intergénérationnelle la commémoration du massacre d’Oradour-sur-Glane. Dans un discours qu’il a tenu à adresser aux écoliers, collégiens et lycéens réunis pour la circonstance, le chef de l’État a invité à tirer les leçons du passé en luttant contre les « fanatiques en tous genres, [les] extrémistes de toutes figures ». Cet ennemi, qu’il ne nomme pas précisément, E. Macron le désigne à l’aide d’une métaphore : celle des « étendards noirs ». Le Président, en visite sur un site ravagé par les nazis en 1944, rapproche vraisemblablement l’emblème de la Waffen-SS du drapeau de l’État islamique, qui reprend le même code couleur. Mais l’allusion autorise une généralisation : quand l’orateur exhorte ses jeunes auditeurs à faire des valeurs d’« humanisme, tolérance, bienveillance, espérance » des « drapeaux contre les drapeaux noirs et le relativisme corrosif dont notre monde souffre tant », ne peut-on penser qu’il stigmatise aussi les socialistes et les anarchistes qui continuent de se reconnaître dans ces bannières de la révolte que sont les drapeaux noirs ? En somme, qu’il promeut moins la liberté de chacun que la conformité à une conception bourgeoise de la démocratie.

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