Si l’on s’en tient à l’arbitraire du signe, vivoter et voter ne se ressemblent pas plus que les vaches et les cravaches. Mais pour le cratylisme, les mots ressemblent aux choses qu’ils désignent : si les mots sont semblables, alors les choses le sont. La proximité des sonorités entre « voter » et « vivoter » noue entre eux une relation de cause à effet. Le slogan serait-il alors un simple sophisme ?
À mieux y regarder, le rapprochement n’est pas fortuit mais formule brièvement un thème majeur de la révolte, toutes tendances confondues : la mesquinerie des vies est le produit direct de l’acceptation des structures de pouvoir ou, comme l’avait déjà dit La Boétie, la servitude est volontaire (la ponctuation explicite ce rapport de cause à conséquence). C’est du sérieux. Mais le slogan, lui, n’est pas sérieux et sa forme le dit. Qui peut se laisser piéger par la fausse figure dérivative, prendre la fin du verbe « voter » pour le suffixe diminutif « –oter » (crachoter, trembloter, etc.), et ne pas percevoir, sous l’invitation finale, une pointe de mépris ? Ce faisant, le slogan étudié milite à la fois contre le conformisme officiel et pour l’esprit fantaisiste que lui-même représente.