Une phrase de Hubert Huertas, Mediapart, 1er janvier 2018
« Une cuillerée de sociétal, une barrique de libéralisme » : tel est, selon Hubert Huertas, le dosage utilisé par Emmanuel Macron dans le programme qui l’a fait élire, grâce auquel « il est devenu le refuge de la droite modérée, de l’aile droite du PS, […] des écologistes », et dont ses vœux pour 2018 défendent l’application. Ici, point de « en même temps » ni même de « et », mais une simple virgule, parataxe et asyndète. Le résultat, c’est la présentation discrètement narquoise d’un macronisme en recto-verso, le nec plus ultra de l’alliance nécessaire, de l’unisson entre contraires et de la réduction des antithèses. Lesquelles ne sont pas seulement soutenues par les métaphores : celles-ci les assimilent en plus aux ingrédients d’une « recette Macron » aux quantités à la fois imprécises (la valeur d’une cuillerée dépend de la taille de la cuiller, la barrique variant quant à elle ‒ si l’on en croit le dictionnaire ‒ entre 136 et 400 litres) et très inégales (la cuillerée, telle une épice, permet de « faire passer » l’ingrédient principal).
Or, dans le langage politique, une « recette » c’est aussi un calcul électoral ‒ tout le contraire de cette adaptation aux circonstances en laquelle Weber voit l’essence du politique, c’est-à-dire l’art de gouverner. Le politique a dans le cas de Macron heureusement conforté l’électoral : « ce cocktail n’aurait pourtant pas suffi sans les immenses fautes politiques des deux partis au pouvoir jusque-là », poursuit Huertas. Mais il y a loin de l’annonce du programme à son application : si le macronisme est une boisson simple à préparer et très savamment « marketée », que se passera-t-il lorsque ce marketing sera rattrapé par le réel ? Filons la métaphore introduite par Huertas : les « consommateurs » ne se brûleront-ils pas la langue ?
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