(Emmanuel Macron, France 2, L’Emission politique, 6 avril 2017)
Si un tel truisme ne sert apparemment à rien, puisque par définition il énonce une lapalissade, il en va tout autrement si l’on prend en compte la dimension dialogique du discours. Emmanuel Macron s’exprime ainsi parce que l’évidence selon laquelle moi ne peut désigner la même personne que lui semble ne pas en être une pour tout le monde. Depuis un certain temps en effet, François Fillon et quelques autres acteurs de la campagne électorale multiplient les propos identifiant le candidat d’En Marche ! au président sortant. Il s’agit donc pour l’ancien ministre de l’économie de répondre à l’oxymore décliné de mille et une façons « Macron, c’est Hollande », qui ne prend sens que par l’antonomase sous-entendue transformant le second nom propre en nom commun : le candidat est ramené à un individu appartenant à la catégorie des gens assimilables à Hollande. Il est clair en effet que nul ne prétend que les deux personnes évoquées n’en font qu’une, mais bien que Macron est un nouveau Hollande. La formulation de la réplique « Je ne suis pas lui », avec le recours à l’opposition des pronoms personnels des première et troisième personnes, rappelle un autre truisme célèbre ‒ « Lui c’est lui, moi c’est moi », qu’avait énoncé Laurent Fabius interrogé par Alain Duhamel à « L’Heure de vérité », le 5 septembre 1984 sur Antenne 2. « Lui » était alors le président en exercice, François Mitterrand, et « moi », son jeune et récent premier ministre. La parenté des énoncés renvoie clairement à la proximité des situations respectives : dans les deux cas, celui qui apparaît comme le protégé, voire la création du chef de l’Etat, cherche à s’en émanciper.