(Jean-Luc Mélenchon, Rennes, 26 mars 2017)
En meeting dimanche à Rennes, le leader de la France insoumise veut marquer sa solidarité avec les Guyanais en grève. A cette fin, il a recours à une construction syntaxique bien connue, popularisée par le slogan scandé en 1968 pour soutenir Daniel Cohn-Bendit : “Nous sommes tous des Juifs Allemands“. Depuis largement reprise, l’expression repose sur une forme de téléscopage, qui permet d’affirmer sa solidarité avec un groupe dont on ne fait pas partie mais auquel on s’identifie néanmoins, en forçant en quelque sorte la synecdoque : le tout (“tous”) est défini par la partie (“les Guyanais”). Jean-Luc Mélenchon renouvelle en outre le slogan en le modalisant (“au fond”, “peut-être”) pour en faire un opérateur de comparaison. Il suggère en effet que l’avenir de la France métropolitaine risque d’être à l’image de la situation actuelle en Guyane : de tout coeur avec les Guyanais aujourd’hui, nous pourrions bien être à l’avenir plongés comme eux dans le “chaos”. Le tribun fait ainsi d’une figure deux coups !
Étiquette : télescopage
“je suis la candidate de la France du peuple”
(Marine Le Pen, Assises présidentielles de Lyon, 5 février 2017)
« Si vous êtes ici aussi nombreux aujourd’hui, c’est que […] contre la droite du fric et la gauche du fric, je suis la candidate de la France du peuple ». C’est par un parallélisme (la droite du fric / la gauche du fric / la France du peuple) permettant d’invectiver d’entrée de jeu ses principaux adversaires et de se situer au-delà du clivage gauche-droite que Marine Le Pen « cadre » idéologiquement sa candidature dans son discours de lancement de campagne.
A la lecture de la deuxième partie de cet énoncé (« je suis la candidate de la France du peuple »), on se dit qu’il y a grammaticalement (et discursivement) quelques mots de trop, que l’énoncé aurait pu/dû s’arrêter à « de la France ». Erreur de débutante, lourdeur stylistique ? Cet énoncé à tiroir est en fait très productif sur le plan sémantique et idéologique, en ce qu’il repose, entre autres, sur le télescopage de trois constructions syntaxiques : je suis la candidate de la France / je suis la candidate du peuple / la France du peuple (rappelant le slogan Au nom du peuple).
La dernière construction, la France du peuple présuppose qu’il y a plusieurs France et dessine, grâce au parallélisme qui structure l’ensemble de l’énoncé, une « France des riches » qui serait l’unique cause des candidats de « la droite et [de] la gauche du fric ».