
(Emmanuel Macron, 3 mars 2022)
François Mitterrand déclare sa candidature à un second mandat présidentiel, le 22 mars 1988 sur Antenne 2, en répondant simplement « oui » à la question que lui pose Henri Sannier – « êtes-vous à nouveau candidat à la présidence de la République ? » – puis il publie une Lettre à tous les Français, le 7 avril, pour exposer son bilan et énoncer son programme. Trente-quatre ans plus tard, Emmanuel Macron pratique le « tout en un » dans une Lettre aux Français. Entre temps, Nicolas Sarkozy diffuse de semblables Lettres en 2007 et 2012. Et qui se souvient de la Lettre aux Françaises et aux Français écrite par le candidat Pierre Marcilhacy, six mois avant l’élection présidentielle de 1965 ?
La connotation très personnelle du mot lettre, alors même que le message s’adresse à plusieurs dizaines de millions de personnes, est bien en ligne avec la fameuse définition de l’élection présidentielle, généralement attribuée au général de Gaulle : la rencontre d’un homme et d’un peuple. Mais le choix d’un tel intitulé suppose une sorte de métaphore, construite sur l’analogie entre deux types de textes écrits adressés, l’un à une personne ou à quelques destinataires bien identifiés, l’autre à un large collectif dont la majeure partie n’en sera jamais réellement destinataire. La figure de la synecdoque qui permet de passer du peuple à l’individu dans sa singularité, apparaît comme un moyen finalement assez classique pour tenter de réduire une distance entre gouvernants et gouvernés volontiers considérée comme s’accroissant dangereusement.