Comme le prétend par synecdoque le mot « Tous », la Manif Pour Tous, affable, n’exclurait personne de ses rangs familiers et déjà presque familiaux – c’est, par apocope, de « Manif » qu’il est question et non de manifestation.
Sur le logo se déploie une autre synecdoque qui rend tout aussi aimable le ciblage idéologique : cette ribambelle d’individus, après tout, pourrait unir n’importe qui – mais non ! C’est la famille modèle !
Une toujours aimable métonymie vient seconder cette synecdoque : en se joignant de la périphérie au centre, les bras dessinent des angles différents ; ceux du centre forment un angle aigu et détendu, loin de la ligne plate, homogène, menaçante, d’un cordon de policiers faisant barrage. En outre ici, par métaphore, la solidarité s’exhibe main dans la main.
Les deux sexes – deux seulement – sont bien différenciés, ainsi que le montre, par métaphore de nouveau, l’opposition du rose et du bleu – couleurs arbitrairement affectées à un seul des deux genres, mais l’omniprésence de cette affectation dans notre culture lui redonne une motivation dialogique. Cette différence des sexes est renforcée par métonymie, les attributs des personnages étant « genrés », genre et sexe étant assimilés (coiffures, vêtements, postures – les jambes des personnages masculins sont nettement plus écartées que celle des personnages féminins), les silhouettes mettant en scène caricaturalement un dimorphisme sexuel stéréotypé (taille en bobine de la femme par exemple). Les sexes sont soigneusement équilibrés au sein de cette « famille »: à eux quatre, ces parents et ces enfants heureux sont un parangon.
Par une ultime métaphore enfin, la ribambelle représente doublement un foyer. La forme évasée de la vue de face du quatuor rayonne en bouquet épanoui concentrique vers le bas. Quant aux accueillants regards qu’on imagine, ils convergent à l’avant vers le regard du spectateur. Oui, cette famille modèle a tout pour elle et peut avoir des enfants.
Par contre, qu’elle soit la seule à pouvoir le faire, c’est une tout autre affaire. L’« incorporation » des propriétés (panachage de métaphore et de métonymie sur la base d’une synecdoque de l’objet support pour la ou les propriétés, ce qui caractérise toute représentation, a fortiori celle des corps) suggère que sa sérénité procède de son hétérosexualité et de la complémentarité des sexes. Or la logique ordinaire fait fi du modus ponens et, de « l’hétérosexualité fait des familles heureuses », incite à conclure « la non-hétérosexualité fait des familles malheureuses ». Peut-être l’intensité du bonheur affiché ne donne-t-elle guère envie d’y échapper, mais cela reste un sophisme.