
“Je pense que l’on peut faire travailler plus les gens en gagnant davantage”

Société d'étude des langages du politique
Jouant une nouvelle fois la carte de l’indépendance, Emmanuel Macron a déclaré lors d’un meeting à Marseille : « […] je ne suis l’héritier de rien, je suis l’héritier de vous, je suis l’héritier de votre confiance, je suis l’héritier de votre énergie, de votre envie, de notre avenir ! » Rhétorique ou maladresse ? Le solécisme, corrigé par la presse ‒ « je ne suis l’héritier de (rien d’autre) que vous » ; « je ne suis l’héritier de rien, si ce n’est de votre confiance », reformulent Le Figaro et Le Monde ‒ participe d’une antilogie : dans l’exclamation, le second segment contredit le premier, sur le modèle duquel il est construit à la faveur d’un parallélisme. E. Macron répond à ceux qui font de lui le successeur de la politique hollandienne – à laquelle il a contribué ‒ et un représentant des élites, c’est-à-dire un héritier, au sens où l’entendaient Bourdieu et Passeron (fils de médecins, Macron a fréquenté des établissements d’enseignement prestigieux avant de devenir banquier d’affaires chez Rothschild & Cie). L’orateur espère gommer cet aspect biographique et valoriser un autre type d’héritage, collectif celui-là. Il échoue pourtant à imposer cette interprétation, en martelant le mot « héritier » plutôt que celui ‒ moins personnalisant ‒ d’« héritage », valeur partagée à gauche comme à droite. Ce faisant, Macron conforte son identification aux puissants, dans une phrase qui ‒ par une équivalence malheureuse ‒ associe en outre ses partisans au « rien ». Si l’héritage revient à Macron, que reste-t-il aux siens ?
Crédits photos : Thomas Trutschel
(François Fillon au Trocadéro, 5 mars 2017)
François Fillon, qui fait campagne pour le redressement national, compare la République à Gavroche, l’un des personnages les plus célèbres de la littérature française : « Si [la République] tombe, elle se relève telle Gavroche sur sa barricade ». Dans Les Misérables de Victor Hugo, le jeune héros nargue en effet les balles, continuant de fredonner – alors qu’il est blessé à mort ‒ un air dont le refrain (« c’est la faute à Voltaire […], c’est la faute à Rousseau ») est resté dans toutes les mémoires, au point que le solécisme (« c’est la faute à Voltaire » plutôt que « c’est la faute de Voltaire ») est passé dans le langage courant. Les chansonniers du XIXe siècle l’utilisaient pour renverser par antiphrase un lieu commun réactionnaire (l’idée que les Lumières auraient mené à la Révolution) ; la mort de Gavroche scellait la victoire de l’esprit des Lumières puisque, si le gamin révolté finissait par tomber, c’était pour la liberté. Fillon, au cœur d’une salve politique, s’identifie implicitement à Gavroche, qu’il rapproche des « héros de 20 ans de la Résistance ». Une riposte républicaine à ceux qui voyaient d’un mauvais œil qu’il appelle les soutiens de Civitas et de Sens commun à le soutenir, le premier dimanche du Carême, sur une place dont le nom commémorait la bataille qui avait rétabli l’autorité du roi d’Espagne Ferdinand VII, contestée par les révolutionnaires.