(Libération, 12 octobre 2020)
Voici, révélé par Willem, le Macron intérieur.
Plus profond que la photographie, le dessin donne accès à l’invisible, au caché, au deviné : l’intérieur de la boîte crânienne du Président. L’homme, à la tête démesurément grosse, court scalpé ; et dans son cerveau est planté un volant derrière lequel est assis un Sarkozy lilliputien. Métaphore parfaite : Willem montre ce que l’on devrait voir – Sarkozy pilote Macron, le conduit, le dirige. C’est lui qui préside finalement aux destinées de la France.
Ce dessin dévoile également le mécanisme de toute interprétation tropique, et accompagne ce pilotage d’indices de décontextualisation. Le lecteur doit faire un saut interprétatif vers le sens figuré. Comment une telle réalité pourrait-elle être l’objet du dessin ? On ne peut se fourvoyer et croire à ce que l’on voit…
Le dessin illustre aussi une métaphore de base qui voit dans nos comportements raisonnés des trajets, ayant un but, une machinerie de déplacement : on peut être manœuvré, manipulé, orienté, retourné, etc. Et l’on en vient à un topos : ce qui agit est à la source. Donc Macron, c’est Sarkozy. La contagion métaphorique opère instantanément : Macron, libéral, manipulateur, bling-bling, est à droite.
Et rageur. Car le dessin apporte à la métaphore l’intensité des propriétés. Tel est son effet rhétorique : autant le micro-Sarkozy est immobile et placide, autant le « grand » Macron, bouillonnant, disloqué, ses bras jetés de côté pour rééquilibrer un corps lancé dans un mouvement extrême, cravate volant tant il marche d’un pas décidé, file ardemment ; son large sourire est carnassier ; ses sourcils, en accent circonflexe, sont « sarkoziens » et méphistophéliques ; ses yeux écartent toute considération latérale et regardent droit devant. Il est plus jeune que son mentor, plus rapide, plus agressif. Sarkozy a vraiment trouvé en Macron le véhicule idéal.