(Benoît Hamon, conférence de presse, Paris, 10 avril 2017)
Indigné que Pierre Gattaz le rapproche du Front national, Benoît Hamon estime qu’« il y a quelque chose de pourri à la tête du Medef ». Un trait qui ne manque pas de mordant, puisque la citation de l’Hamlet de Shakespeare ‒ « il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark » (c’est Marcellus qui parle, à l’acte I, scène 4) ‒, détournée, forme une périphrase faussement évasive désignant Gattaz lui-même. Mais le président du Mouvement des entreprises de France y est réifié par l’indéfini « quelque chose », qui introduit le groupe centré sur l’adjectif « pourri ». Au sens propre, ce terme décrit l’altération organique d’un végétal ou d’une charogne ; au figuré, une personne qui a perdu ses qualités – notamment morales. B. Hamon exploite habilement la syllepse : l’attaque de Gattaz portait sur son programme économique ? Il réplique en utilisant une expression proverbiale marquant une aberration, un scandale, alors que les affaires financières qui pèsent sur François Fillon – candidat proche du Medef – occupent les esprits. Une manière de faire écho, sans démagogie, au « tous pourris ! » dénonçant la corruption qui s’est généralisée depuis que l’argent est roi en politique. Consciemment ou consciemment, le déplacement effectué par Hamon remotive enfin la traduction littérale du « Something is rotten in the state of Denmark » (« quelque chose est pourri dans l’État de Danemark »), « tête » rappelant par ses sonorités « state ». Hamon se prend-il pour Hamlet, regardant dans les yeux un Capital déjà mort ? Décidément, cette campagne vire à la tragédie…