
Nathalie Arthaud, Le Grand débat, BFMTV, 4 avril 2017
Si les slogans des présidentiables gomment ordinairement les marques personnelles (En Marche !, qui reprend les initiales d’Emmanuel Macron, constitue un hapax, c’est-à-dire un cas isolé), celui de Lutte Ouvrière en fait un impératif idéologique, Nathalie Arthaud se présentant comme simple porte-parole du « camp des travailleurs ». La puissance performative de ce mot d’ordre est apparue lors du débat télévisé qui a permis à la candidate communiste de défendre son programme devant des millions de télespectateurs. Par sa structure, le slogan « faire entendre le camp des travailleurs » semble très proche de celui qu’a choisi le socialiste Benoît Hamon, « faire battre le cœur de la France ». Tous deux sont en effet fondés sur une périphrase verbale (faire + infinitif) suivie d’un complément du nom, qui invite à l’action ; mais ils s’avèrent en réalité antithétiques. Là où Benoît Hamon associe synecdoque et personnification, LO fait un usage moins abstrait de cette dernière figure, en prétendant « faire entendre le camp des travailleurs » plutôt que « les travailleurs » tout court. Lorsqu’on rapproche les deux formules, le jeu des sonorités (« cœur », « camp » ; « cœur », « travailleurs ») favorise à la fois l’analogie (le cœur de la France, ce sont les travailleurs) et le renversement, puisque « camp » isole les travailleurs du reste de la population. Vision clivée, où la classe ‒ qui ne connaît pas de frontières ‒ l’emporte sur la communauté nationale. Sont effacés au passage les accents patriotico-érotiques du slogan hamonien (on se souvient qu’au début de la Grande guerre, la propagande vantait l’uniforme des soldats, ce « pantalon garance où bat le cœur de la France »). De façon très pragmatique, pour N. Arthaud, seul importe de donner sa voix pour donner de la voix.