Ce n’est pas un parti politique, mais un regroupement de partis existants, dont l’objectif est principalement de faire en sorte que les élections législatives de juin 2022 permettent la constitution d’une majorité favorable au président sortant, dans l’hypothèse de sa réélection. La dénomination de cette nouvelle entité prend néanmoins place dans l’évolution des noms d’organisations partisanes.
On remarque d’abord l’absence de premier élément dans la dénomination – qui aurait pu être fédération, confédération, coordination, union… De même que les partis ne s’appellent plus guère parti, mouvement ou rassemblement, la structure organisationnelle n’apparaîtra pas comme telle dans la dénomination retenue. En lieu et place de ce qui aurait été une forme descriptive, on aura un nom dont la syntaxe est celle d’un slogan.
Le pluriel de citoyens indique clairement qu’on ne parle pas d’un ensemble citoyen. Il s’agit d’une phrase sans verbe, à valeur impérative, construit sur le modèle hymnique de la Marseillaise (Aux armes citoyens), et qui enjoint aux interpelés de s’unir. On attend alors un signe de ponctuation, plus précisément le point d’exclamation. Celui-ci figurera sans doute dans le logotype illustrant les affiches, mais pas dans le nom lui-même, comme c’est déjà le cas pour La République en marche / La République en marche!, Libres / Libres!, Debout la France / Debout la France! ou Ensemble / Ensemble! – le nom complet de la formation de Clémentine Autain étant Ensemble, mouvement pour une alternative de gauche, écologiste et solidaire. Seule exception à la règle : le nom et le logotype du parti fondé par Barbara Pompili s’orthographient En commun! (cf. les sites de ces partis).
Mais à qui s’adresse exactement cet appel à l’union ? Là encore, la tendance dominante en onomastique partisane se retrouve : rien n’indique qui est contre qui, pour quoi ou contre quoi. Les deux mots composant le nom de la nouvelle structure sont politiquement et socialement neutres.
Ensemble, adverbe très utilisé dans les slogans, occulte la conflictualité pour ne laisser voir que le rassemblement et l’union qui en résulte. Un demi-siècle de campagnes présidentielles nous en a laissé des exemples célèbres : La France en grand, la France ensemble (Jacques Chirac, 1995), Nous irons plus loin ensemble (Jacques Chirac, 1988), La France ensemble (Jacques Chirac, 2002), Ensemble tout devient possible (Nicolas Sarkozy, 2007), Ensemble, la France ! (Emmanuel Macron, 2017, déjà !). Personne n’est exclu a priori, on est loin d’une quelconque lutte des classes (ou d’autres collectifs sociaux). Même Coluche, dans sa parodie de campagne en 1981, avait suivi cette stratégie, en l’adaptant à sa manière : Tous ensemble pour leur f… au c… avec Coluche.
Quant à citoyen, le mot est à la mode et incontestablement passe-partout (même s’il est implicitement opposé à politicien. Tout le monde est juridiquement citoyen et tout le monde se considère et se revendique comme tel (sauf à tenir le genre grammatical dit masculin comme non inclusif).
Ainsi, en appelant leur « maison commune » Ensemble citoyens, les chefs de la majorité présidentielle ont-ils scrupuleusement respecté à la fois la tradition aconflictuelle des partis de la droite et du centre, les contraintes stratégiques de l’électoralisme et les normes actuelles du marketing. Ils ont néanmoins fait preuve d’une certaine originalité. A notre connaissance en effet, citoyen ne figure dans le nom d’aucune autre organisation politique, à l’exception du Mouvement républicain et citoyen des anciens chevènementistes, aujourd’hui fondu dans la Gauche républicaine et socialiste. De même, ensemble n’est utilisé que par une seule autre entité, mais comme on l’a vu ci-dessus, suivi des critères du rassemblement souhaité (de gauche, écologiste et solidaire).
En dehors du champ politique, Google nous informe de l’existence d’une association ligérienne dénommée Ensemble citoyens!, qui regroupe des personnes avec handicap intellectuel. Il faut alors entendre : Nous sommes tous citoyens.
[Remarque typographique : dans un nom propre, comme pour les marques, il n’y a pas d’espace avant le point d’exclamation]