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Étiquette : néologisme

« Je ne suis absolument pas climato-sceptique. En aucun cas. Mais vous, vous êtes un peu climato-hypocrite »

23 mai 202223 mai 2022 Hugues Constantin de Chanay
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Marine Le Pen le 20 avril 2022, lors du débat d’entre-deux-tours de l’élection présidentielle française

Répondant à Emmanuel Macron qui l’accuse d’être « climato-sceptique », Marine Le Pen d’abord le nie, puis lui retourne le néologisme « climato-hypocrite » qui a le double avantage d’être à la fois une rétorsion (retour à l’envoyeur) et une amplification (le reproche est aggravé), par laquelle s’ajoute à l’inconséquence une absence de franchise qui suggère tout un paradigme isotope (on y retrouve les sèmes [apparence] et [mensonge]), de la « bien-pensance » au « politiquement correct ».  Ainsi, laissant sa forme avouer sa source dialogique « climato-sceptique », et son sens en présupposer la pertinence pour son adversaire, « climato-hypocrite » est une réponse « en réplique ».

Posted in Présidentielle 2022Tagged amplification, dialogisme, néologisme, paradigme isotope, pertinence, rétorsion, sème, sens

“Éric Ciotti, on pourrait l’appeler Éric Pécresse”

7 décembre 202123 décembre 2021 Paul Bacot
AFP

Amélie de Montchalin, France Info, 4 décembre 2021

“Éric Ciotti, on pourrait l’appeler Éric Pécresse, et Valérie Pécresse, on pourrait l’appeler Valérie Ciotti. Au fond, ils s’appellent tous les deux Fillon.” La ministre Amélie de Montchalin, commentant sur France Info le deuxième tour de la primaire du parti Les Républicains avant d’en connaître le résultat, le 4 décembre au matin, donne sa vision de l’affrontement entre Valérie Pécresse et Éric Ciotti. Pour ce faire, elle a recours à un dispositif rhétorique original, qui emprunte à la fois aux figures du mot-valise et du chiasme.

Le mot-valise est un néologisme qui rapproche deux mots différents dont l’un au moins est tronqué, par aphérèse ou apocope, pour en créer un troisième. Le procédé est utilisé de façon polémique depuis au moins le XIXe siècle. Dans les polémiques concernant un duel électoral, il sert à dénoncer la connivence de deux candidats pourtant réputés opposés. Ce fut par exemple le cas pour François Hollande et Jean-Luc Mélanchon appelés Hollanchon par Laurent Wauquiez en 2012, ou pour le même François Hollande et Nicolas Sarkozy, accusés la même année par François Bayrou de profiter d’une sarkhollandisation du débat politique, comme cinq ans plus tôt pour Ségolène Royal et déjà Nicolas Sarkozy, appelés parfois Sarkolène. De la même manière, Jacques Chirac et Lionel Jospin, encore cinq ans plus tôt, avaient été baptisés Chirospin. Autant de noms propres traités sur le modèle du mot-valise, comme on a également pu le faire avec les sigles partisans – on se souvient de l’UMPS lepéniste.

Amélie de Montchalin, elle, semble plutôt s’inspirer de la saillie de François Fillon qui, en 2017, jouait sur les deux composantes de l’identité des personnes en parlant d’Emmanuel Hollande pour souligner la filiation politique que le futur vainqueur de la présidentielle cherchait à gommer. Elle n’hésite donc pas à présenter le duel en cours comme opposant Éric Pécresse et Valérie Ciotti. Ce faisant, elle combine l’usage de ce qu’on pourrait appeler des noms-valises avec la figure du chiasme, comme l’avait déjà fait Jean-Pierre Chevènement en 2002, parlant de Chirpin et Josrac, présentés comme les deux faces d’une même médaille. On connaît la force rhétorique du chiasme, et l’on se souvient du plus célèbre en politique, lancé en 1969 par le communiste Jacques Duclos, considérant que Georges Pompidou et Alain Poher, c’était blanc bonnet et bonnet blanc : une opposition de façade cachant une similitude profonde.

Mais Amélie de Montchalin ne s’arrête pas en si bon chemin, ajoutant que, « au fond », Éric Pécresse et Valérie Ciotti s’appellent tous les deux Fillon : ce ne sont plus deux mais trois personnages qui sont fondus en un seul, baptisés du nom du troisième, François Fillon, candidat battu dans les circonstances que l’on sait par l’actuel président de la République dont elle est une ministre. La suite des événements lui donnera raison ou tort, selon que les deux finalistes de la primaire feront cause commune durant la campagne ou afficheront leurs divergences.

Posted in Figurez-vous...Tagged aphérèse, apocope, chiasme, mot-valise, néologisme, nom propre, nom-valise, polémique

« L’islamo-gauchisme […] gangrène la société dans son ensemble et l’université n’est pas imperméable »

25 février 202125 février 2021 Hugues Constantin de Chanay

Frédérique Vidal, 14 février 2021

Ces propos tenus par Frédérique Vidal ont déclenché une indignation. Pourquoi ? Toute polémique mise à part, leur ton est bien peu ministériel. Déjà, il y a l’encombrant dialogisme difficile à dissocier de cette expression lestée d’une généalogie d’extrême droite, cette dernière l’ayant récupérée pour vilipender les droits de l’homme. Mais l’expression elle-même illustre une rhétorique de pamphlet. C’est pourquoi une expression qui, à la limite, pourrait galvaniser en meeting paraît franchement déplacée dans un discours gouvernemental : pour ce genre discursif, ce n’est pas le bon éthos. L’apocope avec suffixation en -o réduit une catégorie à un stéréotype qui se préoccupe moins d’analyser que de disqualifier (les cocos, les prolos, les intellos, les écolos, les aristos…), connotation axiologique qui demeure en composition (comme dans « analyses rhétorico-politiques », qui renvoie davantage à l’argutie qu’à l’argumentation sérieuse impliquée par « analyses rhétoriques et politiques ») ; le suffixe agentif -iste signifiant l’engagement en faveur d’une cause dénonce souvent l’aveuglement idéologique et l’excès (islamistes, justement) ; et enfin la création néologique d’une catégorie homogène, comme le prétend le trait d’union proche de l’équivalence, pratique une association qui, faute d’argumentation, tend à un amalgame. Une double métaphore ancre la péjoration : la société est un corps et l’« islamo-gauchisme » une de ses maladies, reliée à la mort, au pourrissement, à la souffrance : il faut la soigner au plus vite.

Posted in Figurez-vous...Tagged amalgame, apocope, argumentation, association, dialogisme, équivalence, néologisme, pamphlet, stéréotype, suffixation, suffixe agentif

« ‘Rassuristes’ : ces scientifiques que le virus n’inquiète plus »

13 octobre 20209 février 2021 Hugues Constantin de Chanay

(Libération, 5 octobre 2020, p. 1)

« Rassuristes », le néologisme en une de Libération, vient combler un trou lexical : alarmistes n’a pas d’antonyme. D’où cette création, forgée par dérivation déverbale (que la source en soit la forme d’infinitif présent, rassurer, ou la forme adjectivale de participe présent, rassurant) et par suffixation (-iste).

Ce suffixe jette un léger  discrédit sur le fait de dédramatiser la situation sanitaire, en présentant la manœuvre comme extrême et lassante (voir la paire islamique/islamiste). Plus neutre, la paire alarmant/rassurant qualifierait des événements qui ne franchissent aucune limite.

Pourquoi choisir un suffixe à l’axiologie dépréciative ?

Les « rassuristes », aux yeux de Libération, ont tort. Ce sont des optimistes patentés, obsessionnels : ils exagèrent ! On peut y voir à la fois une hyperbole justifiant la dramatisation chère aux médias et une dénonciation des euphémismes, les discours apaisants risquant de faire les gros titres sans refléter l’actualité. Les médias jetteraient donc de l’huile sur le feu ? Créeraient une réalité alarmante, parce qu’il faut exagérer pour toucher le public ? Que nenni. C’est bien plutôt l’autorité scientifique qui chercherait à le couvrir de cendres…

Posted in Figurez-vous...Tagged antonyme, dérivation verbale, euphémisme, hyperbole, néologisme

« On a quand même pris cher ces dernières années »

17 juillet 201917 juillet 2019 Hugues Constantin de Chanay

Libération, 9 juillet 2019, p. 5.

Qui s’exprime ainsi dans Libération ? Christian Jacob, chef des députés Les Républicains, cité verbatim. Ironie du sort, c’est un parti conservateur qui adoube là un emploi intensif tout récent de l’adjectif français « cher » : en effet il n’y reconnaît pas que LR a fourni des prestations onéreuses, mais il avoue que dernièrement le parti a dû encaisser de rudes coups (qui l’ont donc écorné, à preuve ses maigres résultats aux dernières élections européennes).

Par là, Christian Jacob épouse un dialogisme doublement bottom up : il provient de la jeunesse (la plus « basse » des classes d’âge), et spécialement de celle des milieux financièrement les moins favorisés. Il y a environ trois ans, Alain Nicaise, enseignant en lycée professionnel, notait un tel emploi chez ses élèves, l’une ayant justifié son choix de travailler sur la marque Chanel par ces mots : « c’est cher classe » – translation en l’occurrence, et déjà néologisme de sens par motivation métaphorique ou extension sémantique (évolution traditionnellement vue comme une synecdoque de l’espèce) qui fait passer de cher (« intense en prix ») à cher (« intense » tout court). Les mêmes disent à présent « on a pris cher », dans le même sens que dans l’énoncé de Christian Jacob.

Le bénéfice escompté semble clair : cela normalise en quelque sorte les difficultés de LR que d’employer pour les désigner une expression qui est dans l’air du temps. Mais, revers de la médaille, on peut se demander si le parti ne va pas plutôt pâtir de cette juvénilité linguistique, si son électorat traditionnel reste habitué à considérer toute évolution de la langue comme un affront patrimonial. Il risque de continuer à prendre cher…

Crédits photo : Stéphane Mahé

Posted in Figurez-vous...Tagged dialogisme, extension sémantique, motivation métaphorique, néologisme, synecdoque, translation

« HOMARDGATE // RUGY // MI-CUIT »

15 juillet 201915 juillet 2019 Hugues Constantin de Chanay

Le vendredi 12 juillet 2019, alors que François de Rugy est soupçonné de profiter des fonds publics pour s’assurer un train de vie luxueux, Libération consacre sa une à l’affaire – devenue médiatiquement emblématique – de la mise de homards bleus au menu de dîners officiels, et titre sur trois lignes : « HOMARDGATE // RUGY // MI-CUIT ». Dans cet énoncé, les innovations stylistiques résident dans le timide calembour qui affleure sous Rugy (qui ressemble à « rougi », couleur qui témoigne de la cuisson des homards), et dans la remotivation d’une métaphore éteinte (la cuisson représentant une transformation irréversible qui conduira à la perte des avantages). Mais le mot le plus voyant, « HOMARDGATE », n’est pas une forgerie propre à Libération. On le trouve dans des blogs ou sur Tweeter, précédé d’un hashtag qui lui confère précisément le statut d’expression partagée et à partager, et doté d’une capitale centrale qui signale la composition morphologique du mot (« #HomardGate »). Dépourvu de hashtag et neutralisant l’opposition de casse du fait de l’utilisation exclusive des capitales dans les titres mis en une, le « HOMARDGATE » de Libération du vendredi 12 (car dès le lendemain le mot apparaît sous la forme « #HomardGate » dans un article du même journal) n’est qu’une reprise partielle d’un néologisme qui circule dans un grand nombre de communautés discursives et qui exploite un procédé ayant déjà lui-même une longue histoire. Depuis le « Watergate » de 1974 (scandale politico-médiatique ayant poussé Richard Nixon à démissionner de la présidence des États-Unis), « gate » est devenu en anglais un suffixe marquant un « scandale public provoqué par des révélations subites », et la motivation morphologique s’est depuis mondialisée : tout comme le « Monicagate » a pu désigner le scandale qui a frappé Bill Clinton lors de la découverte de sa liaison avec Monica Lewinsky, le « Penelopegate » a récemment désigné le scandale déclenché autour de François Fillon suite à des soupçons de fraude, notamment l’attribution à son épouse d’un emploi fictif. Loin de se singulariser, Libération rejoint une série rhétorique dont l’objet est ce que Barthes appelait l’« institution du réel » : le baptême collectif de l’affaire Rugy la fait entrer dans la série des événements décisifs.

Posted in Figurez-vous...Tagged calembour, forgerie, métaphore éteinte, motivation morphologique, néologisme, remotivation

« Kim Jong-Emmanuel »

7 juin 2017 Hugues Constantin de Chanay
(Frédéric Says, Le billet politique, France Culture, 5 juin 2017)
 
Ce nom propre néologique est forgé selon le même principe que les mots-valises qui fusionnent des signifiants distincts. En l’occurrence il s’agit de « Kim Jong–Eun » et « Emmanuel Macron », tronqués tous deux par aphérèse, pour le premier de la moitié finale de son prénom (Jong-Eun), et pour le second de son patronyme. La fabrication d’un mot-valise a pour seul objectif de présenter comme une seule entité sémantiquement homogène deux réalités qu’on n’aurait auparavant pas songé à rapprocher. Et même plus qu’homogène : les deux réalités sont alors solidaires au point qu’il est légitime de les réunir en un seul mot. Emmanuel Macron serait donc fondamentalement un dictateur comme son homologue nord-coréen.  Telle est l’« image subliminale » que Frédéric Says détecte sous ce qui lui paraît devoir être le nouvel « élément de langage » des discours politiques, celui de « parti unique » (hyperbole d’une majorité anticipée du mouvement de Macron au parlement). Parti unique ? Très mauvais souvenir. Exemple contemporain au plus haut point repoussant.  Risque de Corée du Nord pour qui votera Macron. Au passage, le jeune président français endosse, suite à cet accouplement onomastique avec Kim Jung, diverses propriétés du comparant dont il est évident qu’elles ne lui siéent pas du tout : passe encore qu’il soit autoritaire et capricieux, mais qui pourrait croire qu’il cherche à instaurer un régime dictatorial ? Sous cette disconvenance perce le point de vue de Frédéric Says : le mot-valise proposé ne reflète pas sa pensée, mais celle qu’il prête aux nouveaux utilisateurs de l’élément de langage « parti unique ». Il est donc proposé pour dire dialogiquement que selon les opposants à Macron, l‘extrémisme politique est ce qui se cache sous la prétention à la centralité.
Crédits photo : Wong Maye-E/AP/SIPA
Posted in Figurez-vous...Tagged aphérèse, dialogisme, hyperbole, mot-valise, néologisme, onomastique

« Il faut éviter de se ‘Eric Bessonniser’ »

14 mai 201714 mai 2017 Paul Bacot

(propos d’un dirigeant Les Républicains rapporté par Le Monde du 11 mai 2017)

Le discours de cette saison électorale a vu différents usages de la figure de l’antonomase, qui transforme un nom propre en nom commun, transformation parfois suivie d’une dérivation verbale, elle-même pouvant être à son tour substantivée. Ainsi, après le débat de l’entre-deux-tours, un article du Monde évoquait « la ‘trumpisation’ de Marine Le Pen ». Sur les réseaux sociaux, on a employé la locution verbale se faire filloniser, au sens de « se faire dézinguer par la sphère politico-médiatico-judiciaire en un mois » (avec le hashtag #stopbashing). Le cas le plus surprenant est sans doute cette déclaration d’un dirigeant Les Républicains, considéré comme tenté par le soutien au nouveau président et créant cet autre néologisme, rendu à l’écrit sous une forme inhabituelle, en deux mots : Eric Bessonniser. Sans doute l’auteur du propos pensait-il risquer de ne pas être compris en faisant usage du seul nom de l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, en raison de la faible notoriété de celui-ci (on se souvient de la boutade lancée par Ségolène Royal : « qui connaît Monsieur Besson ? »), de son retrait de la vie publique depuis lors, et du caractère relativement courant de son patronyme. Comme toujours, l’antonomase à partir d’un anthroponyme ne retient qu’une caractéristique de la personne dénommée. Ici, l’ancien socialiste passé avec armes et bagages de gauche à droite au lendemain de la présidentielle de 2007 est principalement considéré comme un traitre. En somme : se rallier à Macron, oui, mais pas n’importe comment !

Crédits photo : AFP/ MATTHIEU CUGNOT/ SIPA/ MATTHIEU ALEXANDRE/ MARTIN BUREAU

Posted in Figurez-vous...Tagged antonomase, néologisme

« les patriotes et les mondialistes »

8 mai 20179 mai 2017 Sarah Al-Matary

(Marine Le Pen, 7 mai 2017)

Lorsqu’elle affirme que les résultats de l’élection présidentielle illustrent « une recomposition politique […] autour du clivage entre les patriotes et les mondialistes », la candidate malheureuse donne une audience inédite à l’antithèse sur laquelle elle a bâti son programme : le rejet du « mondialisme » que constitueraient « le fondamentalisme islamiste » et l’« affairis[me] financier » incarné par Emmanuel Macron. Au sortir du premier tour, ce dernier avait répliqué en se posant en « président des patriotes face aux nationalistes ». Bien qu’il confirme le fait qu’un nouveau couple d’acteurs politiques se soit substitué aux catégories traditionnelles de positionnement (gauche/droite),  E. Macron souligne ici que les mots « patriote » et « nationaliste » ne sont pas synonymes. Une manière de rappeler que l’extrême droite n’a pas le monopole du patriotisme, puisque la gauche républicaine s’en est précocement réclamée. Véritable « fétiche discursif », « argument ultime que se renvoient les adversaires politiques » (Marc Angenot) depuis le XIXe siècle, le patriotisme confère une forme de légitimité politique à qui s’en saisit. S’il se déclare patriote, défend la construction européenne et reconnaît les vertus de la mondialisation, E. Macron ne peut en revanche se dire « mondialiste ». Au cœur du lexique complotiste d’un Jean-Marie Le Pen, ce néologisme polémique désigne en effet une supposée coalition des élites. Dans les années 1980, il est employé à l’extrême droite en opposition à « antimondialiste », qui prévalait avant qu’« altermondialiste » ne le remplace pour mieux dissocier l’extrême gauche des souverainistes et de la droite radicale. « Mondialiste » marque certes ici  l’écart qui existe entre Marine Le Pen et son adversaire, mais il creuse trompeusement l’opposition entre le national et le global (la particularisation des États-nations supposant depuis leur création qu’ils se reconnaissent les uns les autres).

 

Crédits photo : Alain Jocard /Eric Feferberg. AFP (montage)

Posted in Figurez-vous...Tagged antithèse, néologisme

« Le plus sûr rempart contre la boboïtude conformiste et le bobolchévisme »

22 avril 201729 août 2017 Paul Bacot

(David Lisnard, maire de Cannes, au meeting de François Fillon à Nice, le 17 avril 2017)

Rien de tel que les néologismes pour attirer l’attention d’un auditoire. Certes, en cherchant bien, on trouve des occurrences des deux formes lexicales boboïtude et bobolchévisme antérieures à cette déclaration de Davis Lisnard, mais leur emploi n’en est pas moins rarissime. Pour le second terme, il frise l’hapax. Le premier vocable est construit comme un dérivé du radical bobo par adjonction du suffixe -itude, et le second comme un mot-valise formé par apocope du même bobo (qui est déjà un mot-valise par double apocope !) et aphérèse de bolchévisme. Il en résulte un effet d’assonance, la syllabe /bo/ étant répétée quatre fois. De plus, boboïtude rappelle la célèbre bravitudede Ségolène Royal, et bobolchévisme porte à sourire par sa forme. L’un et l’autre fonctionnent comme des oxymores : la douceur de vivre et la liberté du « bourgeois-bohême » s’allient difficilement tant à la rigueur du « conformisme » qu’à la rudesse d’un « bolchévisme » couteau entre les dents. Ce sont bien sûr deux des trois principaux concurrents de François Fillon qui se trouvent ainsi dénoncés comme dangereux par l’orateur qui le soutient : Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon sont renvoyés l’un à son milieu social et à son mode de vie, l’autre à sa violence verbale et à ses soutiens partisans. Et le « bobo » étant réputé de gauche, ces deux candidats sont clairement classés dans le camp opposé à celui de l’ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy.

Crédits photo : J. C. MAGNENET / ANP / 20 MMinutes

Posted in Figurez-vous...Tagged aphérèse, apocope, dérivé, hapax, mot-valise, néologisme, oxymore

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