Dessin de Kiro paru dans Le Canard enchaîné du 4 décembre 2019
Le 25 novembre, Jean-Paul Delevoye déclare à Créteil que l’immigration sera nécessaire « pour équilibrer la population active en 2050 en Europe ». Tollé à droite devant cette justification de l’immigration. Le 4 décembre, le Canard persifle celui qui prête si facilement le flanc au soupçon d’une stratégie immigrationniste.
Car enflé du cou comme un dindon, auto-satisfait voire fat (les dictionnaires de langue reconnaissent au dindon un caractère « batailleur, avantageux, lourd et stupide »), les mains élevées le long du buste comme deux ailes au repos, le crâne petit, les cheveux s’y épanouissant comme une crête ou un plumage, Delevoye est ici le stéréotype du dindon (et tant pis si le dindon n’a pas de crête). Sa caricature – hyperbolisation des traits distinctifs ou parfois pure invention : son cou est volumineux, mais pas jusqu’au jabot ; son crâne n’a rien d’étroit – est nécessaire à la métaphore implicite : le dindon de la basse-cour importe finalement peu. Ce qui compte, c’est l’enflure sourde d’un être isolé du monde et tout occupé à glouglouter (concentré sur lui-même, Delevoye discoureur et placide est entouré d’un grand fond blanc).
Mais c’est aussi l’ingénuité de la volaille. « Le grand remplacement », c’est l’expression labellisée par l’extrême droite complotiste pour dénoncer, précisément, l’immigration. Delevoye, inconscient de cette modalisation autonymique qui d’un mot l’affilie au camp adverse, mettant lourdement les pieds dans le plat, ruine des décennies de discours d’ouverture.