En couverture de Franc-Tireur n°26, surmontés du titre « Nupes : le miroir aux girouettes », un triste Yannick Jadot, un Fabien Roussel dépité et ahuri, un aimable Olivier Faure qui n’y voit que du feu, petit paradigme unifié par l’isotopie /représentant d’un parti politique de gauche/, se retrouvent face à une sucette qui, de sa tête de Jean-Luc Mélenchon à elle incorporée par métaphore-valise, leur tire la langue et les nargue. On comprend immédiatement que ces girouettes, en une métaphore iconico-verbale in præsentia, ils les sont. Et qu’il n’est vraiment pas loin, le marché de dupes – dupes, ce paronyme si proche de « Nupes », qui commence lui aussi par une consonne apico-alvéolaire voisée… De forts indices de délittéralisation évincent en effet d’entrée de jeu les /girouettes qui pivotent pour indiquer la direction du vent/ : ces objets ne se chassent pas. En revanche les /personnes changeantes/, si – par une métaphore diagrammatique figée, les girouettes suivent par nature la direction du vent comme les personnes changeantes acceptent par nature les choix qui se présentent à eux. Or le miroir aux alouettes évoqué par dialogisme grâce à la substitution, à « alouettes », de « girouettes », isorythmique et homéotéleute, fait de « Nupes » un stratagème de chasse (métaphore de nouveau, elle aussi in præsentia) – les trois hommes se laissent capturer comme de nigaudes alouettes, en pire encore : ils sont attirés et moqués, pour toute consolation, par une friandise d’enfant.
Étiquette : métaphore diagrammatique
“C’est moi le plus haut !”
On reconnaît dans ce quatuor, sorte de microsystème structural – les conditions nécessaires et suffisantes à l’identification y sont différentielles, ce qui autorise des prédications nouvelles –, Christiane Taubira, entre autres à son air toujours sévère, Yannick Jacot sans autre vraie caractéristique qu’un nez discrètement tubéreux, Jean-Luc Mélenchon à des lunettes laissant voir des yeux agrandis, peut-être même « illuminés » (métaphore et hypallage pour un trait de caractère dont il serait doté), Anne Hidalgo plutôt « neutre » (il est possible que le dessin la voie fade) et assurément mécontente de quelque chose. Mais ce dessin présente surtout, par une mise en scène polyphonique, l’entre-soi d’une gauche qui serait inattentive à tout ce qui n’est pas elle, deux points de vue antithétiques étant représentés : d’une part celui de la gauche, porté par le discours attribué à Jean-Luc Mélenchon qui se félicite via une métaphore diagrammatique courante (« c’est moi le plus haut » : la position occupée sur l’axe de la verticalité représente un classement sur l’axe des avantages et des handicaps) ; et d’autre part celui du dessinateur et du lecteur : les icônes abstraites (trait matérialisant les positions antérieurement occupées par les personnages) font de l’image l’illustration d’une métaphore linguistique, également diagrammatique, à vrai dire la même, que le lexique a figée : ils sont « en chute libre », et quelle que soit la position qu’ils occupent par rapport aux autres, ils arriveront toujours plus bas.
« J’ai déjà lu qu’Emmanuel Macron incarnait l’extrême centre, autrement dit un centre radicalisé »
Guillaume Erner, « L’humeur du matin », France Culture, 21 septembre 2021
La représentation en France d’une diversité politique s’étendant de la « droite » à la « gauche » avec des corrélats doctrinaux latéralisés résulte au départ d’une métonymie : après la révolution de 1789, dans la première assemblée, le regroupement à droite ou à gauche de l’amphithéâtre révélant la position prise sur la question du veto royal. Très vite cette mise en espace est devenue une métaphore diagrammatique ouvrant la possibilité de préciser une position politique sur plusieurs axes graduels solidaires : rôle plus ou moins important dévolu à l’État, marge plus ou moins grande offerte à la liberté individuelle, attention plus ou moins grande portée aux questions sociales. Spatialement parlant, les extrêmes sont sur les bords, non au centre : « extrême centre » est géométriquement un oxymore.
Au sens métaphorique, où le centre est le point d’équilibre entre deux « positions », « centre radicalisé » est aussi un oxymore, « radicalisé » s’étant émancipé du sens politique traditionnel de « radical » et signifiant désormais au premier chef « sans compromis », même pour trouver un équilibre. Que veulent dire ces figures ? Qu’Emmanuel Macron est peut-être devenu bien seul : naguère roi du « en même temps », le centre fédérant les bords, serait-il devenu, face aux extrêmes qui le récusent, un centre isolé qui doit être tenace, s’agripper, tenir mordicus à son identité envers et contre tous ? Et – par un dialogisme permettant d’exprimer en quelques mots une transformation de politique tactique – le « et… et… » cèderait-il la place à un classique « ni… ni… » ?