On reconnaît dans ce quatuor, sorte de microsystème structural – les conditions nécessaires et suffisantes à l’identification y sont différentielles, ce qui autorise des prédications nouvelles –, Christiane Taubira, entre autres à son air toujours sévère, Yannick Jacot sans autre vraie caractéristique qu’un nez discrètement tubéreux, Jean-Luc Mélenchon à des lunettes laissant voir des yeux agrandis, peut-être même « illuminés » (métaphore et hypallage pour un trait de caractère dont il serait doté), Anne Hidalgo plutôt « neutre » (il est possible que le dessin la voie fade) et assurément mécontente de quelque chose. Mais ce dessin présente surtout, par une mise en scène polyphonique, l’entre-soi d’une gauche qui serait inattentive à tout ce qui n’est pas elle, deux points de vue antithétiques étant représentés : d’une part celui de la gauche, porté par le discours attribué à Jean-Luc Mélenchon qui se félicite via une métaphore diagrammatique courante (« c’est moi le plus haut » : la position occupée sur l’axe de la verticalité représente un classement sur l’axe des avantages et des handicaps) ; et d’autre part celui du dessinateur et du lecteur : les icônes abstraites (trait matérialisant les positions antérieurement occupées par les personnages) font de l’image l’illustration d’une métaphore linguistique, également diagrammatique, à vrai dire la même, que le lexique a figée : ils sont « en chute libre », et quelle que soit la position qu’ils occupent par rapport aux autres, ils arriveront toujours plus bas.
Étiquette : lexique
“Let’s go Brandon”
(Kelly Stavats sur NBC Sport, 2 octobre 2021)
Sorte de mème antiphrastique en ce qu’elle répète volontairement ce qui a été produit comme une erreur – interviewant le pilote Brandon Brown, la journaliste Kelly Stavats a cru que la foule massée près de lui criait « Let’s go Bandon » alors qu’elle criait « Fuck you Biden » – la formule est devenue aux États-Unis une manière de conspuer le président démocrate en toute légalité. Ainsi la législation est-elle impuissante face à la rhétorique, qui permet de produire une signification sans produire aucun des signes qui lui sont lexicalement associés : on peut interdire « casse-toi pauv’ con » mais pas « let’s go Brandon », pourtant au fond bien plus dysphémique, c’est-à-dire n’édulcorant aucun aspect négatif ou choquant ; mais donc bien plus euphémique en surface, c’est là ce qui compte. Le déguisement est d’autant plus inespéré que « Let’s go Brandon » ne ressemble à son « double » que sur la base d’une ressemblance sonore assez vague – qui pourtant a permis une confusion et donc, en consacrant un lien fortuit, une métonymie d’invention qui satisfait à la fois le respect de la dignité présidentielle et, indéniablement, le désir de grossièreté de certains militants politiques.