On reconnaît dans ce quatuor, sorte de microsystème structural – les conditions nécessaires et suffisantes à l’identification y sont différentielles, ce qui autorise des prédications nouvelles –, Christiane Taubira, entre autres à son air toujours sévère, Yannick Jacot sans autre vraie caractéristique qu’un nez discrètement tubéreux, Jean-Luc Mélenchon à des lunettes laissant voir des yeux agrandis, peut-être même « illuminés » (métaphore et hypallage pour un trait de caractère dont il serait doté), Anne Hidalgo plutôt « neutre » (il est possible que le dessin la voie fade) et assurément mécontente de quelque chose. Mais ce dessin présente surtout, par une mise en scène polyphonique, l’entre-soi d’une gauche qui serait inattentive à tout ce qui n’est pas elle, deux points de vue antithétiques étant représentés : d’une part celui de la gauche, porté par le discours attribué à Jean-Luc Mélenchon qui se félicite via une métaphore diagrammatique courante (« c’est moi le plus haut » : la position occupée sur l’axe de la verticalité représente un classement sur l’axe des avantages et des handicaps) ; et d’autre part celui du dessinateur et du lecteur : les icônes abstraites (trait matérialisant les positions antérieurement occupées par les personnages) font de l’image l’illustration d’une métaphore linguistique, également diagrammatique, à vrai dire la même, que le lexique a figée : ils sont « en chute libre », et quelle que soit la position qu’ils occupent par rapport aux autres, ils arriveront toujours plus bas.
Étiquette : hypallage
« L’ensauvagement des discours sur les réseaux sociaux »
(Emmanuel Macron au G7, 13 juin 2021)
On a giflé Emmanuel Macron. Pourquoi donc ? La raison, qui n’est pas l’honnête motif par lequel Macron reconnaîtrait son bien-fondé, est donnée dans une riposte verbale qui fait de cette gifle le symptôme d’une dégradation plus générale de la société (ce en quoi on peut voir une synecdoque de la partie, utilisée pour diagnostiquer et vilipender un mal général à partir d’un fait particulier) dont la réalité n’est pas mise en question : l’article défini qui détermine « ensauvagement » lui affecte un présupposé d’existence. Ce disant, Macron se construit au passage un éthos de sociologue, expertise qui le crédite de la traditionnelle phronèsis (compétence).
« Ensauvagement » et « réseaux sociaux » sont clairement hétérotopes, positionnés à l’opposé sur l’axe de la /civilisation/, ce qui rend le syntagme en grande partir oxymorique, avec la fonction argumentative suivante : toute contradiction doit être résolue au profit de l’un des termes.
Bien sûr, par dialogisme (les discours évoqués sont d’ailleurs d’autant mieux mémorisés qu’ils ont donné lieu à polémique), on remonte aisément aux ancêtres discursifs du propos macronien : Chevènement et ses « sauvageons », Darmanin et ses « sauvages », réhabilités avec une différence de taille, celle de l’hypallage in absentia à effet euphémistique – en effet ce ne sont pas les « réseauteurs » qui sont sauvages mais leurs discours (ils les tiennent pourtant). Et enfin, ainsi amadoué, l’auditoire – des chefs d’État réunis au G7 aux Français qui découvrent le discours par médias interposés – accepte mieux le filtre métaphorique qui colore la réalité : littéralement, est sauvage l’être vivant (homme, animal, plante) qui s’est développé hors de la civilisation ; connotativement les sauvages sont des brutes, au développement anarchique, potentiellement dangereux comme des bêtes féroces. La présidentielle devant se tenir l’an prochain, tout porte à croire que Macron prépare le désir d’un dompteur ou d’une dompteuse…
“Je n’ai pas l’Europe naïve”

“Socialisme masqué, flou et narcissique”
(Nathalie Kosciusko-Morizet à propos d’Emmanuel Macron, France 2, 15/02/2017)
Nathalie Kosciusko-Morizet reprend les trois critiques les plus fréquemment adressées au fondateur d’En marche ! En empruntant à la gauche comme à la droite, il chercherait à occulter sa proximité avec les socialistes qu’il côtoyait au gouvernement ; en retardant la publication de son programme, il tromperait les électeurs sur la réalité de ses intentions ; en se présentant hors des partis existants, il manifesterait un égocentrisme coupable. NKM a recours ici à l’hypallage pour attribuer à l’idéologie d’Emmanuel Macron un trait qui caractérise plutôt son promoteur : elle insiste ainsi sur la personnalisation de ce mouvement dont l’animateur imprime son narcissisme jusque dans sa doctrine !