Parce qu’elles travaillent sur le visible (une subdivision du « concret » qu’on se contente souvent d’opposer à l’abstrait) les images réveillent dans la langue des métonymies comateuses : le CNRTL définit grande gueule par « bavard et grossier » sans faire nullement mention du premier support dérivationnel, la mâchoire. Cette mâchoire, la langue l’a même laissée derrière elle, car jamais on ne désigne par « grande gueule » quelqu’un qui a une forte ossature mandibulaire et, de ce fait, un visage d’aspect animal ne méritant pas que l’on parle de « bouche ». Mais à l’image, la gueule apparaît nécessairement sous un aspect exclusivement visuel. Il y a alors un effet de syllepse : d’une part le masque exige l’interprétation dimensionnelle que conforte le dessin de Trump, dont la tête est trois fois plus grosse que celle de la vendeuse, double menton, bajoues tombantes comme celles d’un bouledogue, bouche hyperboliquement amère – c’est-à-dire, pour rester dans le visuel, fermée et orientée vers le bas ; d’autre part l’interprétation courante du syntagme « grande gueule », alliée à la présence d’un prototype de la parole intempestive, y superpose le sens /bavard incontrôlable/. Gain sémantique de l’opération, l’image récolte ce qu’elle a associé dans la langue et l’infuse dans le dessin de Trump. Sa politique, ses bruyantes manifestations oratoires, ne sont que l’effet primitif de son inesthétique volume physique.