
Valérie Pécresse en meeting le 13 février 2022
L’emprunt dialogique est patent : nom d’une thèse complotiste initialement tenue, en 2010, par Renaud Camus, d’où son sens spécifique /substitution programmée en Europe d’une population « étrangère » à une population « de souche »/, l’expression « grand remplacement » s’est surtout répandue dans certains courants de l’extrême droite, sans avoir d’ailleurs de véritable droit de cité avant 2021 (où elle a été « labellisée Éric Zemmour ») : en la reprenant Valérie Pécresse, qu’elle le veuille ou non, rallie son discours à cette tendance politique. Mais en outre elle en accrédite la thèse : l’article défini (« au » est la contraction de « à le ») est porteur d’un présupposé d’existence – voilà donc ce « remplacement » reconnu par elle dans sa réalité.
On peut supposer que par la coordination le premier syntagme (« ni au grand déclassement »), calque de même morphologie que le second, homorythmique et homéotéleute, cherche à le minimiser en le dissolvant dans un tout et en le faisant bénéficier de son passe-droit et de son éventuelle vertu euphémisante (on ne peut qu’être d’accord avec la légitimation d’un manque général de pouvoir d’achat) : amalgame donc.
Qui a aussi un peu de mémoire – cette fois-ci « auto-dialogique » – rapproche ce « remplacement » d’un autre emprunt récent (5 janvier 2022) de la candidate voulant ressortir de sa cave le « Kärcher » que Nicolas Sarkozy, le 16 juin 2005, avait métaphoriquement promis d’utiliser dans les banlieues. Entre ces deux occurrences, la rhétorique permet de constater une gradation entre deux termes argumentativement co-orientés vers des options dites « de droite », et donc de repérer dans le discours une escalade droitière…