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Étiquette : euphémisme

“Nous tous”

6 avril 20226 avril 2022 Hugues Constantin de Chanay

Le nouveau slogan d’Emmanuel Macron dit « Nous tous / Emmanuel Macron avec vous », au lieu du « Avec vous », qui figurait sur ses affiches électorales.  Figurant sur les prospectus que doit recevoir chaque électeur chez lui, dans son espace privé, en tête à tête avec l’actuel président, il nous place, par ce même euphémisme récemment repéré dans le discours du même, en situation d’échange chaleureux et familier. La mise en scène, d’abord, confronte par son regard caméra à un « contact Y-Y » (les yeux dans les yeux). Ensuite, la bienveillance de ce dialogue intime y est signifiée par son inclinaison de tête (l’image nous transmettant les signes dits « posturo-mimo-gestuels »). Et enfin, le clitique personnel de 1re personne du pluriel « nous » suggère la très désirable, et pourtant impossible, co-énonciation de lui et de son électorat, c’est-à-dire qu’elle présuppose leur accord sans réserve.

La configuration plastique qui superpose les deux mots écrits fait ressortir leur quasi isographie : même nombre de lettres, dont trois en commun, dans le même ordre, à la même place – parenté qui produit le même effet que les paronomases (ils vont bien ensemble, car qui se ressemble s’assemble). Par contre on ne peut s’empêcher de voir dans ce slogan un indice de la « conciliation des contraires » revendiquée par le candidat et dans laquelle on peut déceler aussi bien un compromis qu’une contradiction. Emmanuel Macron a émaillé tous ses discours oraux de « chers tous et toutes » où « tous » signifie /pas vous, les femmes/, mais le voilà qui signifie dans le slogan /vous aussi, les femmes/. Cette « disruption » sûrement voulue suggère ceci : une analyse polylectale qualifierait l’écriture inclusive de lecte récessif et relierait l’orthographe traditionnelle à un lecte dominant (vu comme usurpateur par les féministes). Or le genre discursif du programme, par définition, s’appuie sur les valeurs les plus partagées, et même les sollicite et les conforte – en termes rhétoriques, il est épidictique. En pratique, ces « valeurs partagées » sont précisément ce que défend la politique attendue d’un chef d’État – que ceux qui auraient pu croire, s’il y en a, que LREM est révolutionnaire soient donc rassurés !

Posted in Présidentielle 2022Tagged clitique, co-énonciation, épidictique, euphémisme, genre discursif, indice, isographie, lecte, lecte dominant, lecte récessif, paronomase, plastique, polylectal, présupposé, regard caméra, signes posturo-mimo-gestuels

« Il nous faudra donc travailler plus »

30 mars 202230 mars 2022 Paul Bacot

(Emmanuel Macron, « Lettre aux Français », 3 mars 2022)

Arrêtons-nous sur l’usage que fait Emmanuel Macron du pronom personnel nous dans sa Lettre aux Français. Avec une trentaine d’occurrences, il renvoie à des référents très différents, ce qui a priori n’est pas surprenant, la seule contrainte en la matière étant que nous doit inclure le locuteur et une ou plusieurs autres personnes. Mais ici, le passage est fréquent d’un nous à un autre, avec parfois un référent incertain. L’effet rhétorique est à son comble lorsque le président-candidat semble employer un nous qui n’implique que lui ou qui au contraire ne le concerne pas.

Quand il dit « Depuis cinq ans, nous avons traversé ensemble nombre d’épreuves », il parle de tous les Français, vous et moi. Mais quand il concède « Nous n’avons pas tout réussi. Il est des choix qu’avec l’expérience acquise auprès de vous je ferais sans doute différemment », on est peut-être en présence d’un nous « de modestie », ou « de majesté », c’est-à-dire d’un je, ou plus vraisemblablement d’un nous qui balance entre le je et le vous. Et quand au contraire il annonce « Il nous faudra travailler plus », il n’avoue certainement pas avoir consacré trop peu de temps à l’accomplissement de sa tâche durant son quinquennat, mais veut dire bien sûr : « Il vous faudra travailler plus » ! En incluant fictivement lui-même dans le groupe des personnes qui devront travailler plus, ainsi qu’une partie des destinataires de sa Lettre en réalité non concernés, Emmanuel Macron euphémise son propos pour rendre plus acceptable la réforme des retraites qu’il annonce.

Est donc mis en scène un nous incertain incluant ou non de façon plus ou moins fusionnelle Emmanuel Macron et/ou les Français et/ou certains Français, ce qu’on retrouve dans l’affiche de campagne : « Nous tous. Emmanuel Macron avec vous ».

Posted in Présidentielle 2022Tagged destinataire, euphémisme, occurrence, pronom personnel, référent, rhétorique

« Il n’y a pas de fatalité, ni au grand déclassement, ni au grand remplacement »

11 mars 202212 mars 2022 Hugues Constantin de Chanay
La candidate LR se defend de reprendre a son compte la theorie du << grand remplacement >>.
Photographie : Julien de Rosa AFP

Valérie Pécresse en meeting le 13 février 2022

L’emprunt dialogique est patent : nom d’une thèse complotiste initialement tenue, en 2010, par Renaud Camus, d’où son sens spécifique /substitution programmée en Europe d’une population « étrangère » à une population « de souche »/, l’expression « grand remplacement » s’est surtout répandue dans certains courants de l’extrême droite, sans avoir d’ailleurs de  véritable droit de cité avant 2021 (où elle a été « labellisée Éric Zemmour ») : en la reprenant Valérie Pécresse, qu’elle le veuille ou non, rallie son discours à cette tendance politique. Mais en outre elle en accrédite la thèse : l’article défini (« au » est la contraction de « à le ») est porteur d’un présupposé d’existence – voilà donc ce « remplacement » reconnu par elle dans sa réalité.

On peut supposer que par la coordination le premier syntagme (« ni au grand déclassement »), calque de même morphologie que le second, homorythmique et homéotéleute, cherche à le minimiser en le dissolvant dans un tout et en le faisant bénéficier de son passe-droit et de son éventuelle vertu euphémisante (on ne peut qu’être d’accord avec la légitimation d’un manque général de pouvoir d’achat) : amalgame donc.

Qui a aussi un peu de mémoire – cette fois-ci « auto-dialogique » – rapproche ce « remplacement » d’un autre emprunt récent (5 janvier 2022) de la candidate voulant ressortir de sa cave le « Kärcher » que Nicolas Sarkozy, le 16 juin 2005, avait métaphoriquement promis d’utiliser dans les banlieues. Entre ces deux occurrences, la rhétorique permet de constater une gradation entre deux termes argumentativement co-orientés vers des options dites « de droite », et donc de repérer dans le discours une escalade droitière…

Posted in Présidentielle 2022Tagged amlagame, artice défini, auto-dialogisme, calque, contraction, coordination, dialogisme, euphémisme, gradation, homéotéleute, homorythmie, métaphore, morphologie, occurrence, présupposé d'existence, sens spécifique, syntagme

« Les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder »

7 janvier 20224 février 2022 Hugues Constantin de Chanay
Emmanuel Macron, le 4 janvier à l'Elysée. LP/Arnaud Journois
Le Parisien/Arnaud Journois

Emmanuel Macron, Le Parisien, 4 janvier 2022

L’analyse de Hugues de Chanay

Haro sur les non-vaccinés, via une métaphore analogique (identité de propriétés entre deux réalités) et homologique (identité de relations entre deux scènes) : d’un côté, les matières fécales, indésirables, sont les toxines rejetées par un organisme (base analogique) qui souillent et altèrent désagréablement ce qu’elles touchent (base homologique) ; de l’autre, on va imposer aux non-vaccinés des restrictions sévères, donc des emmerdes (par exemple le passe vaccinal – le vaccin serait-il alors une emmerde ? – analogie) qui leur rendront la vie difficile (homologie).

Mais l’énoncé est étonnant dans la bouche d’un président.

D’abord les décisions sont justifiées non par leur caractère raisonnable mais « expressivement », pour leur capacité à assouvir le désir d’un individu (« j’ai très envie »).

Le président y prend la posture d’un « Français moyen » qu’il réduit à un stéréotype familier, populaire, si ce n’est vulgaire, capable d’employer le mot « emmerder » – non seulement ce n’est guère fédérateur, mais ces équivalences n’indiquent guère de considération. Les médias étrangers ont des difficultés à trouver, entre l’affadissement (euphémismes usuels) et la transgression (qui suppose de leur part d’adopter, et peut-être du même coup d’approuver, la même audace qu’Emmanuel Macron) comment traduire ce verbe lourdement connoté.

Enfin il manifeste une antithèse entre l’éthos attendu (celui d’un président) et celui qui est réalisé, c’est-à-dire plutôt, selon les commentateurs, un éthos de candidat, qui non seulement n’aurait pas « peur des mots », mais chercherait à produire une parole qui, à défaut peut-être d’être « disruptive », tranche et sera commentée. La seule chose sûre c’est que si cette parole autorise ce registre de discours aux arguments de campagne – et c’est sans doute dans le style qu’on trouve la plus convaincante performativité de la parole : porte ouverte au langage « vulgaire » (dit la BBC), il faut s’attendre à avoir des réactions du même acabit.

L’analyse de Pierre Fiala

C’était bien une insulte politique, proférée par le président devant des lecteurs du Parisien libéré.

Emmerder est une trivialité, une grossière courante dans tous les milieux, qui peut surprendre un peu  chez un responsable gouvernemental, mais c’est aussi et surtout une figure d’insulte violente, malgré les modulations. Derrière la grossièreté de façade du quasi candidat Macron (n’est pas Sarkozy qui veut), en campagne depuis l’automne 2021, se cachait bien une volonté d’injurier et de provoquer, qui s’est en fait substituée dans l’espace public aux vœux rituels du début de l’année électorale 2022.

Emmerder c’est gêner, ennuyer, disent les dictionnaires. Mais dans l’énoncé à la première personne du présent de l’indicatif, “Je vous emmerde”, il s’agit de l’emploi appelé délocutif par Émile Benveniste (PLG I, Hommage à Spitzer, qui ne cite toutefois pas ce verbe) qui signifie alors formellement « Je vous dis merde ». De la même façon que dire Je vous salue signifie : « Je vous dis salut », ou « je vous remercie » signifie « je vous dis merci », comme aussi Je vous maudis, ou d’autres verbes moins délocutifs, mais à coup sûr performatifs, anathématiser, pardonner, condamner, voire aimer.

Cet emploi constitue en effet, comme on sait,  un énoncé performatif, un acte de langage, qui est bien une insulte en l’occurrence, où l’énonciateur est l’insultant, l’énonciataire l’insulté, dans une situation formelle, qui se trouve ainsi transformée. Vous pouvez dire sans risque majeur à un douanier qu’il vous emmerde, mais n’allez pas lui dire que vous l’emmerder… Ainsi le président en campagne ne dit pas tant qu’il veut gêner, ennuyer la minorité des non vaccinés (ce qu’il a fait par ailleurs ostensiblement), voire la couvrir d’excrément ( ce qu’il ne fait pas, même métaphoriquement), il dit simplement qu’il souhaite lui dire merde, et lui faire ainsi injure de ne pas obéir à son autorité. Cela rappelle d’autres bravades du quinquennat. Il semble toutefois que l’effet perlocutoire, comme disait Strawson, est resté limité dans ce cas, tant les médias et les commentateurs autorisés se sont efforcés d’en amoindrir les effets politiques et sociaux.

Cambronne eut devant la défaite, on le dit, davantage de panache, là c’est plutôt la provocation arrogante qui frappe.

Posted in Figurez-vous...Tagged connotation, emploi délocutif, énonciataire, énonciateur, ethos, euphémisme, expressivité, insulte, métaphore analogique, métaphore homologique, performativité, perlocutoire, stéréotype, style

“Let’s go Brandon”

19 novembre 202122 novembre 2021 Hugues Constantin de Chanay

(Kelly Stavats sur NBC Sport, 2 octobre 2021)

Wikimédia

Sorte de mème antiphrastique en ce qu’elle répète volontairement ce qui a été produit comme une erreur – interviewant le pilote Brandon Brown, la journaliste Kelly Stavats a cru que la foule massée près de lui criait « Let’s go Bandon » alors qu’elle criait « Fuck you Biden » – la formule est devenue aux États-Unis une manière de conspuer le président démocrate en toute légalité. Ainsi la législation est-elle impuissante face à la rhétorique, qui permet de produire une signification sans produire aucun des signes qui lui sont lexicalement associés : on peut interdire « casse-toi pauv’ con » mais pas « let’s go Brandon », pourtant au fond bien plus dysphémique, c’est-à-dire n’édulcorant aucun aspect négatif ou choquant ; mais donc bien plus euphémique en surface, c’est là ce qui compte. Le déguisement est d’autant plus inespéré que « Let’s go Brandon » ne ressemble à son « double » que sur la base d’une ressemblance sonore assez vague – qui pourtant a permis une confusion et donc, en consacrant un lien fortuit, une métonymie d’invention qui satisfait à la fois le respect de la dignité présidentielle et, indéniablement, le désir de grossièreté de certains militants politiques.

Posted in Figurez-vous...Tagged antiphrase, dysphémique, euphémisme, lexique, métonymie, rhétorique, signes

«Une sorte d’indemnité inflation »

15 novembre 202115 novembre 2021 Hugues Constantin de Chanay

Jean Castex, journal de TF1 le 21 octobre 2021

Source : Wikimedia

Cette « indemnité accordée au peuple est la réponse donnée par le gouvernement à une hausse inédite du prix de l’énergie. Elle avance tout d’abord une enclosure ou, en anglais, hedge : « une sorte de », qui permet à la fois de « relâcher » les critères catégoriels et, en l’occasion, de construire un ethos de phronèsis (« compétence ») en montrant une réaction inventive, se démarquant de la signification usuelle des dénominations. Le choix euphémique du mot « indemnité » répond à une schématisation appropriée : « aide » aurait présupposé que l’État vole au secours de Français impuissants ; « indemnité » les met en position haute tout en présentant la proposition de l’État comme adaptée : ils ont subi un dommage méritant une réparation juste. Enfin « inflation », fusionné à son substantif recteur par une construction de substantif épithète, qui suppose la fusion des deux entités, et donc la parfaite naturalité de la réponse, schématise à son tour avantageusement le réel : la hausse de l’énergie est un phénomène imprévisible ; l’inflation, au contraire, est une routine économique. Par sa proposition le gouvernement ne crée aucun précédent d’aide exceptionnelle : ethos toujours de phronèsis, voire d’arétè (« vertu » : il fait ce qu’il faut), mais pas d’eunoia (« bienveillance ») – qui serait peut-être le signe d’un « État-providence ». Malgré cela, malgré une insuffisance pointée par de nombreux détracteurs, « indemnité » reste axiologiquement positif et valorise les bénéficiaires : ça ne se refuse pas !

Posted in Figurez-vous...Tagged arétè, axiologie, catégoriels, dénomination, enclosure, épithète, ethos, eunoia, euphémisme, hedge, phronèsis, schématisation

« Un bouclier tarifaire »

4 octobre 20214 octobre 2021 Hugues Constantin de Chanay
Jean Castex le 30 septembre 2021 sur Tf1

Pour éviter de mécontenter les Français face à la hausse des prix de l’énergie, Jean Castex dégaine le 30 septembre 2021 une mesure qui se présente comme une trouvaille, d’économie certes, mais avant tout de communication (quoiqu’aux ficelles peut-être un peu grosses) : le « bouclier tarifaire ».

Dialogiquement, celui-ci évoque le « bouclier fiscal » de Nicolas Sarkozy (même structure : « bouclier » + adjectif de relation, le tout dans le domaine économico-fiscal), ce qui d’une part l’inscrit dans le paradigme des mesures économiques vraisemblables, ayant des précédents, sérieuses, et d’autre part lui permet de s’en démarquer : celui-là était destiné aux riches, celui-ci l’est à tous.

Reprise, la métaphore du bouclier est valorisante : c’est une arme qui protège et que l’on fournit à ce qui est précieux (outre les guerriers : bouclier d’Orion ; pour la Terre, bouclier anti-astéroïdes ; et pour les Français, bouclier tarifaire ; etc.).

Mais, comme esquive dénominative, elle est aussi un euphémisme, dans la mesure où elle détourne l’attention de faits potentiellement désavantageux (en l’occurrence le fait qu’en France, bien qu’elle soit « de première nécessité », l’énergie ait une TVA à 20 % prélevée également sur les taxes) : le beau bouclier est peut-être avant tout destiné à faire oublier au guerrier qu’on l’envoie au front.

Posted in Figurez-vous...Tagged adjectif de relation, communication, dénomination, dialogisme, euphémisme, métaphore, paradigme

« L’ensauvagement des discours sur les réseaux sociaux »

12 juillet 202112 juillet 2021 Hugues Constantin de Chanay

(Emmanuel Macron au G7, 13 juin 2021)

Crédits photos

On a giflé Emmanuel Macron. Pourquoi donc ? La raison, qui n’est pas l’honnête motif par lequel Macron reconnaîtrait son bien-fondé, est donnée dans une riposte verbale qui fait de cette gifle le symptôme d’une dégradation plus générale de la société (ce en quoi on peut voir une synecdoque de la partie, utilisée pour diagnostiquer et vilipender un mal général à partir d’un fait particulier) dont la réalité n’est pas mise en question : l’article défini qui détermine « ensauvagement » lui affecte un présupposé d’existence. Ce disant, Macron se construit au passage un éthos de sociologue, expertise qui le crédite de la traditionnelle phronèsis (compétence).

« Ensauvagement » et « réseaux sociaux » sont clairement hétérotopes, positionnés à l’opposé sur l’axe de la /civilisation/, ce qui rend le syntagme en grande partir oxymorique, avec la fonction argumentative suivante : toute contradiction doit être résolue au profit de l’un des termes.

Bien sûr, par dialogisme (les discours évoqués sont d’ailleurs d’autant mieux mémorisés qu’ils ont donné lieu à polémique), on remonte aisément aux ancêtres discursifs du propos macronien : Chevènement et ses « sauvageons », Darmanin et ses « sauvages », réhabilités avec une différence de taille, celle de l’hypallage in absentia à effet euphémistique – en effet ce ne sont pas les « réseauteurs » qui sont sauvages mais leurs discours (ils les tiennent pourtant). Et enfin, ainsi amadoué, l’auditoire – des chefs d’État réunis au G7 aux Français qui découvrent le discours par médias interposés – accepte mieux le filtre métaphorique qui colore la réalité : littéralement, est sauvage l’être vivant (homme, animal, plante) qui s’est développé hors de la civilisation ; connotativement les sauvages sont des brutes, au développement anarchique, potentiellement dangereux comme des bêtes féroces. La présidentielle devant se tenir l’an prochain, tout porte à croire que Macron prépare le désir d’un dompteur ou d’une dompteuse…

Posted in Figurez-vous...Tagged argumentation, article défini, connotation, détermination, dialogisme, éthos, euphémisme, hétérotypes, hypallage, métaphore, oxymore, polémique, présupposition, synecdoque de la partie

« Ce que l’on veut, c’est créer des QSR, des quartiers sans relous »

8 mai 20218 mai 2021 Hugues Constantin de Chanay
Jacques Witt/SIPA pour 20 minutes, 14 avril 2021

En proposant le 14 avril la création de « QSR », Marlène Schiappa illustre ce qu’est une rhétorique riche et condensée, mais on ne peut pas dire qu’elle soit vraiment heureuse. Le premier problème est lié à la siglaison, qui opère une réduction à l’initiale par synecdoque de la partie : elle s’accompagne d’une part d’un appauvrissement du signifiant qui opacifie le lien avec le signifié et d’autre part d’une multiplication de faits d’homonymie – en l’occurrence, « QSR » signifie déjà « quartiers à sécurité renforcée ».

En deuxième lieu le sens non pas dit mais montré est discordant : « relou » vient du verlan et est chargé ici de propager le parler jeune dans le discours. Mais l’employer dans un discours ministériel revient à méconnaître les conditions diaphasiques de son usage (à moins que Marlène Schiappa ne cherche à « débrailler » son discours, le verlan ne s’emploie pas en situation formelle).

En troisième lieu enfin, on peut estimer que la ministre sous-évalue le référent : l’axiologie n’est pas binaire mais graduelle et ceux qui commettent des « agressions sexuelles » (comme le dit l’interview) commettent des fautes bien plus graves que les simples « relous ». Si la litote et l’euphémisme attachés à son emploi sont intentionnels, Marlène Schiappa escamote rhétoriquement le pire. Et s’ils ne le sont pas, c’est une bévue.

Posted in Figurez-vous...Tagged axiologie, diaphasie, euphémisme, homonymie, litote, rhétorique, sens dit, sens montré, signifiant, signifié, synecdoque

“Covid 19. Ceci n’est pas un reconfinement”

21 avril 202121 avril 2021 Hugues Constantin de Chanay

Libération, jeudi 1er avril, p. 2

Pour qualifier ses nouvelles restrictions sanitaires, le gouvernement parle de « freinage ». En donnant de ce mot son strict équivalent structural (affirmer A équivaut à nier B : « freinage » nie « reconfinement »), Libération ne propose pas seulement une traduction : le déictique « ceci », ininterprétable dans le cadre de la lecture du journal, convoque une situation où le gouvernement expliquerait sa réaction face à la propagation croissante du virus. Le journal lui prête donc le propos en opérant une délégation dialogique de responsabilité énonciative.

Mais le lecteur récupère surtout, toujours par dialogisme, l’allusion à un énoncé de même forme : « ceci n’est pas une pipe » (Magritte). Avantageuse dans son contexte d’origine, où l’artiste fait preuve de lucidité sur son art, la référence devient dévastatrice appliquée à la politique gouvernementale, la métaphore étant accusatrice : dans le domaine de l’art, le spectateur est salutairement invité à résister à la ressemblance poussée (la mimèsis) qui pourrait l’amener à confondre représentation et monde (ce que déplorait déjà Pascal : « quelle vanité que la peinture, qui attire l’admiration par la ressemblance des choses dont on n’admire point les originaux ! ») ; mais en politique, voilà récusé un mot qui convient si bien que l’on pourrait s’y tromper. Et donc, nier ce qui « tombe sous le sens » simplement pour produire un euphémisme (« freinage »), c’est de la dénégation.

Posted in Figurez-vous...Tagged allusion, déictique, dénégation, dialogisme, équivalent structural, euphémisme, métaphore, mimèsis, représentation, responsabilité énonciative

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