Pascal Jalabert, Journal de Saône-et-Loire, 16 juin 2017, p. 26
« La majorité présidentielle annoncée dimanche soir est aussi écrasante que la chaleur de ce mois de juin ». La phrase prête à sourire – les figures peuvent être plus ou moins opportunes. Car la métaphore contenue dans l’adjectif « écrasante » se double d’une comparaison : « aussi… que ». Or « écrasante » ne signifie pas la même chose pour une majorité politique que pour la chaleur : ici on parle d’une victoire incontestable, là d’une température trop élevée et difficile à supporter. Ces deux sens donnés simultanément au même mot, autrement dit cette syllepse, à visée probablement hyperbolique (car dans les deux cas les habitudes sont dépassées, et les récentes canicules sont dans toutes les mémoires), peut cependant sembler contre-productive. La chaleur « écrasante » adopte le point de vue de l’écrasé qui endure tant bien que mal ce qu’il subit : on compatit. Mais pour la majorité « écrasante » il est curieux, voire anti-démocratique, d’adopter le même angle. Une « majorité écrasante », c’est une métaphore suffisamment routinière pour écarter les images indésirables, les insectes nuisibles par exemple. Mais l’appel à la chaleur risque de les réveiller en mettant au centre le point de vue des victimes, suggérant par là que la majorité conférée à Macron, s’il l’obtient, sera quelque chose d’aussi indésirable qu’un dérèglement climatique. À moins que ce ne soit précisément ce que le texte veut suggérer ?
Crédits : Législatives 2017. Projection de sièges d’après les estimations Elabe pour BFMTV L’Express.