L’hebdomadaire régional La Renaissance tire sa une du 9 avril 2021 du néologisme de forme choisi par le Conseil Départemental : « Vacci’bus » ; en distribution complémentaire, un variant « VacciCar » circule dans d’autres départements que la Saône-et-Loire mais il est minoritaire (plus respectueux des normes traditionnelles du français mais un peu éloigné des usages réels, il relève sans doute d’un lecte usurpateur – la norme contrariant l’usage). Apparus il y a à peine un mois, les deux mots-valises s’assurent une transparence en arborant la même motivation morphologique. Par le premier composant, apocope de vaccination, ils travaillent à rendre simple et presque agréable une obligation un brin rebutante : de même que télé ou Libé révèlent que la télévision et le journal Libération font partie des familiers, de même que la Manif pour tous, quoi qu’on en pense réellement, prétend en être, de même la vaccination devient l’amie « vacci » – l’apostrophe de la variante choisie dans ce département de la Bourgogne rendant même cette proximité guillerette. Quant au choix de bus plutôt que de car, d’une part il permet à « vacci’bus » d’empocher connotativement, par analogie et par immersion dialogique, le crédit de sérieux associé aux terminaisons latines ; et d’autre part il suit un usage qui tend à s’imposer (ce néologisme de sens emboîtant sans doute le pas à l’anglais) dans lequel bus, neutralisant l’opposition sémantique intra- vs extra-urbain, devient un hyperonyme pour les hyponymes bus et car : le « vacci’bus », dit La Renaissance, circule de village en village et dispense performativement à des Français potentiellement méfiants, avec sa promesse de bonne santé, une disposition favorable à l’égard de la politique sanitaire de l’État.
Étiquette : apostrophe
« Je veux ‘l’Europe mais avec la France debout’ disait Philippe Séguin. Cher Philippe, aujourd’hui l’une et l’autre sont à terre »
(François Fillon, meeting de La Villette, 29 janvier 2017)
Non content de multiplier les citations de feu son mentor, François Fillon l’apostrophe lors du meeting de la Villette : « Je veux ‘l’Europe mais avec la France debout’ disait Philippe Séguin. Cher Philippe, aujourd’hui l’une et l’autre sont à terre et j’enrage de voir la civilisation européenne douter de son sort au milieu des orages ». Ces deux phrases, déjà prononcées en 2016 à l’occasion du Conseil national des Républicains, lui permettent de placer ses propres appels au redressement sous le patronage d’un orateur confirmé. Deux jours plus tôt, aux Archives nationales, Fillon faisait d’ailleurs de Séguin un représentant de l’éloquence. En distinguant ce régime de parole vénérable mais presque disparu des « émotions instantanées sur lesquelles joue la médiacratie » (entendre : les médias qui ont révélé le « Pénélope Gate »), Fillon l’associe à une forme de probité. C’est d’elle qu’il se réclame donc lorsqu’il ose l’homéotéleute « enrage »/ « orage ». Mais parvient-il pour autant à relever le style de son discours et à se refaire une vertu ?
Mise en ligne : février 2017