
Amélie de Montchalin, France Info, 4 décembre 2021
“Éric Ciotti, on pourrait l’appeler Éric Pécresse, et Valérie Pécresse, on pourrait l’appeler Valérie Ciotti. Au fond, ils s’appellent tous les deux Fillon.” La ministre Amélie de Montchalin, commentant sur France Info le deuxième tour de la primaire du parti Les Républicains avant d’en connaître le résultat, le 4 décembre au matin, donne sa vision de l’affrontement entre Valérie Pécresse et Éric Ciotti. Pour ce faire, elle a recours à un dispositif rhétorique original, qui emprunte à la fois aux figures du mot-valise et du chiasme.
Le mot-valise est un néologisme qui rapproche deux mots différents dont l’un au moins est tronqué, par aphérèse ou apocope, pour en créer un troisième. Le procédé est utilisé de façon polémique depuis au moins le XIXe siècle. Dans les polémiques concernant un duel électoral, il sert à dénoncer la connivence de deux candidats pourtant réputés opposés. Ce fut par exemple le cas pour François Hollande et Jean-Luc Mélanchon appelés Hollanchon par Laurent Wauquiez en 2012, ou pour le même François Hollande et Nicolas Sarkozy, accusés la même année par François Bayrou de profiter d’une sarkhollandisation du débat politique, comme cinq ans plus tôt pour Ségolène Royal et déjà Nicolas Sarkozy, appelés parfois Sarkolène. De la même manière, Jacques Chirac et Lionel Jospin, encore cinq ans plus tôt, avaient été baptisés Chirospin. Autant de noms propres traités sur le modèle du mot-valise, comme on a également pu le faire avec les sigles partisans – on se souvient de l’UMPS lepéniste.
Amélie de Montchalin, elle, semble plutôt s’inspirer de la saillie de François Fillon qui, en 2017, jouait sur les deux composantes de l’identité des personnes en parlant d’Emmanuel Hollande pour souligner la filiation politique que le futur vainqueur de la présidentielle cherchait à gommer. Elle n’hésite donc pas à présenter le duel en cours comme opposant Éric Pécresse et Valérie Ciotti. Ce faisant, elle combine l’usage de ce qu’on pourrait appeler des noms-valises avec la figure du chiasme, comme l’avait déjà fait Jean-Pierre Chevènement en 2002, parlant de Chirpin et Josrac, présentés comme les deux faces d’une même médaille. On connaît la force rhétorique du chiasme, et l’on se souvient du plus célèbre en politique, lancé en 1969 par le communiste Jacques Duclos, considérant que Georges Pompidou et Alain Poher, c’était blanc bonnet et bonnet blanc : une opposition de façade cachant une similitude profonde.
Mais Amélie de Montchalin ne s’arrête pas en si bon chemin, ajoutant que, « au fond », Éric Pécresse et Valérie Ciotti s’appellent tous les deux Fillon : ce ne sont plus deux mais trois personnages qui sont fondus en un seul, baptisés du nom du troisième, François Fillon, candidat battu dans les circonstances que l’on sait par l’actuel président de la République dont elle est une ministre. La suite des événements lui donnera raison ou tort, selon que les deux finalistes de la primaire feront cause commune durant la campagne ou afficheront leurs divergences.