
Ce qui distingue en principe la syllepse du simple calembour, c’est que dans celle-là la collusion des formes concurrentes produit une synthèse des sens qui apporte à l’énoncé un « surcroît » sémantique. De prime abord Fabien Roussel n’a joué que sur l’effet de surprise en insérant dans une combinatoire libre une séquence en laquelle on reconnaît dialogiquement le syntagme figé « grand remplacement », qui débarque dans ce discours avec tout son arbre généalogique, de son père Renaud Camus à divers épigones d’extrême droite, arbre idéologiquement opposé à ses options communistes.
Il aurait pu tout simplement récuser la thèse ; mais, en lui donnant un tout autre sens, son énoncé recueille le syntagme rescapé et fait cohabiter en une même occurrence sens dans le discours originel et sens dans le discours nouveau. Car, sur l’axe de la /réalité/, une antithèse in absentia vole le « grand remplacement » au mythe des races pour le réorienter sur le parc des chaudières, peut-être moins grandiose mais plus « concret » et plus directement lié à une pratique quotidienne. Sa mention par Fabien Roussel contribue surtout, avec la préposition consécutive « pour » énonçant un but, non pas à un diagnostic de déclin, mais à une proposition détaillée et reliée à une préoccupation majeure (le climat) indifférente à toute « identité » nationale, se démarquant donc nettement du discours évoqué, dans le cadre d’une parfaite illustration du genre discursif le plus attendu dans les interventions des candidats à la présidentielle : le programme.