Jouant une nouvelle fois la carte de l’indépendance, Emmanuel Macron a déclaré lors d’un meeting à Marseille : « […] je ne suis l’héritier de rien, je suis l’héritier de vous, je suis l’héritier de votre confiance, je suis l’héritier de votre énergie, de votre envie, de notre avenir ! » Rhétorique ou maladresse ? Le solécisme, corrigé par la presse ‒ « je ne suis l’héritier de (rien d’autre) que vous » ; « je ne suis l’héritier de rien, si ce n’est de votre confiance », reformulent Le Figaro et Le Monde ‒ participe d’une antilogie : dans l’exclamation, le second segment contredit le premier, sur le modèle duquel il est construit à la faveur d’un parallélisme. E. Macron répond à ceux qui font de lui le successeur de la politique hollandienne – à laquelle il a contribué ‒ et un représentant des élites, c’est-à-dire un héritier, au sens où l’entendaient Bourdieu et Passeron (fils de médecins, Macron a fréquenté des établissements d’enseignement prestigieux avant de devenir banquier d’affaires chez Rothschild & Cie). L’orateur espère gommer cet aspect biographique et valoriser un autre type d’héritage, collectif celui-là. Il échoue pourtant à imposer cette interprétation, en martelant le mot « héritier » plutôt que celui ‒ moins personnalisant ‒ d’« héritage », valeur partagée à gauche comme à droite. Ce faisant, Macron conforte son identification aux puissants, dans une phrase qui ‒ par une équivalence malheureuse ‒ associe en outre ses partisans au « rien ». Si l’héritage revient à Macron, que reste-t-il aux siens ?
Crédits photos : Thomas Trutschel