
Précisant le 12 mars sur les chaînes nationales de télévision la position officielle vis-à-vis la pandémie due au Covid-19, Emmanuel Macron a dans le même temps fait, du moins dans son discours, une quasi volte-face idéologique en affirmant la nécessité de soustraire les biens et services publics aux lois du marché. Ces déclarations sont-elles à prendre pour argent comptant ? Eh non, pour la plupart des commentateurs. Dès le surlendemain, Laurent Joffrin écrit dans Libération, en clin d’œil au tube italien Parole parole (1972) repris l’année suivante par Alain Delon et Dalida : « Pour l’instant, nous en sommes à la phase Dalida : paroles, paroles… ». Formulation courante de la traditionnelle opposition entre le dire et le faire, le refrain est ici intégré à une création discursive assez spectaculaire (et cela convient très bien parce qu’il y a ici une pointe de sarcasme) : elle greffe une antonomase sur un substantif épithète : le nom propre – lui-même un concentré rhétorique : homorythmie, allitération et épanadiplose (il finit comme il commence) – vaut ici pour les propriétés attribuées à la vedette qu’il désigne. Voilà donc E. Macron réduit, car il y a une contamination métaphorique sous-jacente, à une chanteuse de variétés décédée il y a 33 ans, référence culturelle grand public et rien moins que contemporaine. Et voilà enfin, par le présupposé d’existence porté par la détermination définie, le comportement présidentiel considéré comme une manière de réagir tout à fait ordinaire, quasi machinale, ce qui revient à lui dénier quoi que ce soit d’innovant, et surtout ramené à un pur show – discrédité par un « esprit paillettes ». C’est d’ailleurs ce qui est dit par ce dialogisme (propos initialement adressés par Dalida à son destinataire, mais projetés sur Emmanuel Macron par groupement métonymique) : « paroles, paroles… ». Bref, après avoir lu Laurent Joffrin, le désamour l’emporte : chansons que tout cela !
Crédits photo : H. Studte sur le site Cafébabel