Un slogan analysé par Claire Oger
Les insurgés de mai semblent avoir répondu par avance à cette droite qui, aujourd’hui, ne cesse de les traiter d’ « enfants gâtés » ou de « grands enfants ». En réclamant « tout, et tout de suite », comme en voulant « vivre sans contraintes et jouir sans entraves », c’est un premier père qu’ils défient, à travers Freud et le « principe de réalité » voulant que l’on diffère l’accomplissement de ses désirs. Ce sont aussi – radicalité oblige – les voies d’un réformisme politique qu’ils déclinent, face à un Général qui lâchait comme une grâce, en même temps qu’une injure : « La réforme oui, la chienlit, non ! ». C’est enfin la doxa qu’ils combattent, et cette sagesse ancestrale et rassise qui veut qu’on ne puisse avoir « le beurre et l’argent du beurre » : défi contre dicton, les slogans de mai jouent de la ponctuation et se jouent de la prudence, alliant joyeusement le paradoxe et la provocation : « Soyez réalistes / Demandez l’impossible ».