L’opposition de deux occurrences du mot volonté, accompagnée l’une de l’adjectif et l’autre du nom général, permet un parallélisme, soulignant l’antithèse décrite par l’aphorisme. Les désirs du Général – il s’agit bien sûr de celui qui est président de la République en 1968 – sont présentés comme contraires à ceux des Français… sauf un. Dans une optique démocratique, c’est évidemment la volonté du plus grand nombre qui doit l’emporter, et le fait pour le détenteur du pouvoir suprême d’être présenté comme le seul à penser ce qu’il pense est immédiatement perçu comme anormal, voire scandaleux. Le slogan est à cet égard d’autant plus efficace qu’il réduit le président de la République à son grade, comme pour accentuer l’opposition entre la démocratie du peuple et l’autoritarisme du militaire. Mais dans la conception la plus courante de la démocratie, c’est par le vote qu’on décèle l’opinion majoritaire. Or le Général de Gaulle a bien été élu : en 1965, au suffrage universel direct avec 54,8 % des voix ! Aux yeux des manifestants, il n’incarne pourtant pas la « volonté générale », qui s’exprime au contraire à travers la longueur des défilés et la solidité des barricades. La différence certes peut être considérable, surtout quand les jeunes de moins 21 ans, si nombreux dans les cortèges, n’ont pas le droit de vote ! Charles de Gaulle en fera d’ailleurs la démonstration par la dissolution de l’Assemblée nationale : les élections anticipées qu’elle suscite donnent la victoire aux gaullistes… En somme, ce slogan résume à lui seul l’opposition classique entre la rue et les urnes.