Ce slogan – l’un des plus représentatifs de mai 68 –, en véhicule la représentation idéale, énonçant son but et sa méthode. Il incarne la richesse et l’harmonie des effets de la liberté, tant sont nombreuses ses interprétations, toutes convergentes (quelle que soit la plage, quels que soient les pavés, découvrons la plage sans s’arrêter aux pavés qui la recouvrent). Ce qui compte indépendamment du sens donné aux mots, c’est l’antithèse entre les termes, et la promotion du second. On notera que ce dernier est au singulier (il désigne donc un symbole plus qu’une plage réelle) quand les pavés, platement quotidiens, sont au pluriel. Mais eux aussi sont fortement symboliques : pavés comme plage sont des condensations métonymiques de modes de vie, en gros la ville avec tout ce qu’elle connote d’aliénation (au travail, notamment) et les vacances (hors des villes, au bord de l’eau), avec tout ce qu’elles connotent de liberté. Mais les pavés sont aussi autre chose. Dans l’image d’Épinal de la révolution, on les lance : « Mai 68 : les pavés jetés sur les CRS à Paris venaient de Sylla », titre le JSL du 5 mai. Le moyen est donc tout trouvé : révoltons-nous et dépavons, l’utopie est à portée de main !
Crédits : Roger-Viollet