Ce slogan rappelle le caractère fondamentalement révolutionnaire d’inscriptions trop souvent réduites à la subversion potache d’un mouvement qui peut ainsi être qualifié de « bon enfant ». Les « enragés », formés au début de l’année 1968, empruntent leur nom à ceux de 1789 (voir le témoignage de René Riesel) et leurs mots d’ordre à l’Internationale situationniste. Il s’agit pour eux de « perturber systématiquement l’insupportable ordre des choses, à commencer par l’Université », et en dehors d’elle, l’usine, qu’il faut émanciper des patrons pour y mettre en place l’autogestion. Loin des représentations qui séparent le mouvement ouvrier du mouvement étudiant, ce mot d’ordre exprime l’identité des idées et des intérêts entre révolutionnaires, qu’ils soient travailleurs ou enragés. Les deux segments répétés ne diffèrent en effet que par l’ordre des termes finaux, organisés selon un chiasme qui semble attester de l’interchangeabilité des conseils ouvriers et enragés comme de la solidarité des uns (un enragé) et des autres (un ouvrier). Que les ouvriers s’enragent, et la révolution vaincra !