Alors que fleurissent partout les injonctions subversives, ces quelques mots inscrits sur l’un des murs de l’Université de Nanterre jouent le paradoxe : on s’attend à ce qu’ils appellent comme les autres slogans à la révolution, et voilà qu’ils affirment leur caractère « contre-révolutionnaire » ! À y regarder de plus près, le discours a en effet de quoi freiner toute émancipation. Ne s’oppose-t-il pas aux actes, maintenant ainsi le Grand Soir à l’état de vaine rhétorique ? Ne fixe-t-il pas une idée directrice qui s’impose à son destinataire, lui volant par là-même ses capacités d’invention et d’innovation ? Pire encore, parce qu’il ne peut s’affranchir ni des règles de la langue, ni de l’écho des textes déjà prononcés, ni de ses propres conditions d’énonciation, l’inédit lui échappe immanquablement ! La langue elle-même est « fasciste », « car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire », nous dit Roland Barthes quelques années plus tard. Mais c’est pour affirmer quelques lignes plus loin qu’on peut toujours « tricher avec la langue » pour l’entendre « hors-pouvoir » : n’est-ce pas en effet le lot de toutes les révolutions que de libérer la parole ET l’action, en devenant parole en action et action portée par la parole ?