Le 13 mai 1968, la Sorbonne qui avait été reprise aux étudiants mobilisés rouvre ses portes : elle est aussitôt réoccupée, lors d’une journée marquée par la convergence des luttes. Cette dernière inspire une inscription fondée sur une prosopopée à la fois humoristique et savante. Le défunt Karl Marx (1818-1883) se retrouve ainsi signataire d’un télégramme – sans doute écrit-il de Londres ! – qui voit dans la reprise de la Sorbonne la confirmation de ses propres thèses : l’histoire va dans le sens de la révolution, elle sape lentement les fondations de l’ordre ancien, incarné notamment par la vénérable université. L’image de la « vieille taupe », effectivement présente chez Marx (au moins à deux reprises, ici et là), qui l’emprunte lui-même à Hegel citant Shakespeare, donne un cachet d’authenticité au faux télégramme. Elle contribue aussi à la réactivation d’une métaphore qui, après avoir désigné le spectre du père d’Hamlet puis l’esprit de l’histoire hegelienne, en est venue à évoquer la préparation du Grand Soir. Daniel Bensaïd y trouva même de quoi nourrir une taupologie des résistances : non pas éloge de la myopie mais invitation à scruter les signes annonciateurs des bouleversements politiques.