Alors qu’en Mai 68, beaucoup d’autres slogans prennent la forme d’une injonction, celui-ci est formulé comme une évidence. Le premier segment, descriptif, a la solennité quelque peu sentencieuse des énoncés qu’on apprend à l’école : de fait, l’Hexagone compte alors près de 40 000 circonscriptions administratives ou « communes ». Mais le coup de force tient à faire passer pour également admis le second segment, où le ton monte : ce dernier transforme implicitement un nom commun en nom propre, renvoyant non plus aux communes de France, mais à la Commune de Paris – la dernière des révolutions, restée à la fois un symbole des conquêtes populaires et de la répression qui y fit barrage. La singularité de la Commune n’empêche pas qu’on la mette ici au pluriel (ne connaît-elle pas d’ailleurs en 1870-71 des alter ego à Lyon, Marseille, Narbonne, Saint-Etienne, etc. ?) : la majuscule tombe peut-être dans le jeu de mots, mais pas la barricade, et les insurgés de Mai 68 – qui n’ont cessé de se référer à l’expérience anti-autoritaire de 1871 – peuvent se poser en nouveau communards. À la veille de son centenaire, la Commune n’est donc pas morte ; elle est ressuscitée. « Vive la Commune du 10 mai », lit-on sur les murs du Quartier latin, comme la promesse d’insurrections en chaîne. Jamais deux sans trois !
Image : dessin de Jean Effel
Source : site des Amies et Amis de la Commune de Paris (1871)