Ce slogan ne se contente pas de porter les revendications d’un seul parti ; il campe aussi la position de ceux qu’il conteste. En d’autres termes, l’énoncé est un condensé dialogique adapté à sa situation de profération. Ceux-là seraient prêts à dire que la jeunesse « exagère ». Erreur ! leur dit cette jeunesse-ci : notre perspective est différente. Ce que vous appelez « exagérer », nous l’appelons « commencer d’inventer ».
Si la substitution est déclarée possible, c’est parce qu’invention et exagération partageraient une chose essentielle : l’écart à la norme. Et elles se départageraient par la connotation dévalorisante (« exagérer ») ou valorisante (« inventer ») associée à cet écart : d’un côté les interdits qui étouffent tout projet dans l’œuf, de l’autre la fantaisie et son pouvoir créateur. Évidemment, l’assimilation pure et simple de l’une à l’autre est fallacieuse : on pourrait invoquer nombre d’exagérations qui n’inventent rien (les « crimes ») aussi bien que des inventions qui n’exagèrent pas (les « trouvailles »). Mais dans ce sophisme tient tout l’esprit de mai 68. Vu d’un côté, c’est la révolte. Vu de l’autre, c’est l’émancipation. Vous êtes forcément pour : le lexique est à tous. Ralliez-vous !