Utilisée sans guillemets par Alexandra Schwartzbrod en tête son éditorial du 12 septembre (Libération), la phrase « Tout ça pour ça », que n’importe qui produit sûrement en français depuis des temps immémoriaux, n’en est pas moins ces jours-ci un emprunt. Toute fraîche, encore dans toutes les têtes, la une récente de Charlie Hebdo en monopolise l’usage. Tout emploi devient un réemploi. Car, chose fondamentale, le dialogisme précède le discours. Il permet ainsi de ne pas tenir un discours en son nom seul mais de se tenir à la tête d’une nappe discursive qui lui donne, en quelque sorte, une généalogie – un pedigree plus exactement, c’est-à-dire une généalogie qui lui assure des qualités. La remontée dans un passé récent, offrant au discours d’aujourd’hui le contexte des discours d’hier, lui assure du même coup les classiques afférences contextuelles. L’éditorial d’Alexandra Schwartzbrod, qui énonce la ténuité des décisions de Jean Castex annoncées à grand bruit, bénéficie de la solide antithèse créée la semaine dernière par Charlie Hebdo sur un bien plus grave sujet – par là les annonces de Jean Castex se haussent à ce niveau, dont Alexandra Schwartzbord les fait choir, grâce à la même antithèse. Castex n’est pas au niveau de l’effervescence médiatique qu’il suscite. Eh bien, il n’est pas le premier. Dixit Charlie.