« Cyril fait partie de ma team love et il sait éviter les carabistouilles, je pense qu’il serait top comme leader » : tels sont les propos que le journal parodique Le Gorafi attribue à Emmanuel Macron dans un de ses articles-canulars (19 janvier 2019). La première galéjade est de camper un Macron prenant la suite de Marlène Schiappa, dont on sait qu’elle a récemment essuyé les plâtres des tandems politico-médiatiques improbables en co-animant avec Cyril Hanouna l’émission Touche pas à mon poste (d’un côté une secrétaire d’État, défenseuse officielle de l’égalité des sexes, de l’autre un animateur TV dont on connaît de tout récents dérapages sexistes). L’émission annoncée par le Gorafi, conformément au procédé de la caricature, est en essence la même, mais hyperbolisée : elle se présente comme le débat des débats (le G7), centré sur le politique des politiques (Macron). Cette succession prétendue, transformant Touche pas à mon poste en « ballon d’essai », fait en outre de Macron la source d’une alliance très démagogue du spectacle grand public et des affaires sérieuses qui se retrouve dans son parler. Placer dans une même phrase une « team love » et des « carabistouilles », c’est une antithèse stylistique. Or, n’est-ce pas là l’éthos – autrement dit l’image construite par le discours, et ici en quelque sorte le ramage se rapportant au plumage – attribué à Macron ? Il est lui-même une alliance de contraires. D’un côté, le style marketing, rapide, anglo-saxon, entreprenarial, dans l’air du temps, regroupé dans « team love » ; de l’autre, un mot rare issu d’une culture qui a pris tout son temps. Il s’agit en fait d’un terme belge, qu’on peut juger peu représentatif de cette culture de vieille tradition française que revendique Macron. Le mot est pourtant bien choisi pour représenter ses choix lexicaux, car Macron l’a réellement employé, en mai 2018, au journal de Tf1. Donc, on a bel et bien l’alliance d’une modernité représentée par des « forgeries » empruntant à l’anglais courant (« love ») comme à celui du marketing (« team »), qui louche du côté de la « start-up nation », et d’un héritage historique revendiqué qui bat un peu de l’aile (ses vocables soignés sont des belgicismes coordonnés à des anglicismes). L’euphémisme « team love », sous lequel on devine cette « cour » proto-monarchique que l’on reproche souvent à Macron, complète ce portrait à charge lourd de défauts implicites : le narcissisme, le favoritisme, et très généralement l’esprit d’intrigue.