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Société d'étude des langages du politique

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Catégorie : Figurez-vous…

Elections 2017 et au-delà : les figures de style en politique

« Nous battre, nous battre, nous battre »

29 septembre 202029 septembre 2020 Hugues Constantin de Chanay
Dans le Gers, Emmanuel Macron appelle à se "battre" face à la crise économique et sanitaire
© Crédit photo : GEORGES GOBET AFP, Sud-Ouest, le 18 septembre 2020

À la fin d’une visite à Condom (Gers) consacrée aux Journées du patrimoine, Emmanuel Macron résume son programme d’action face au virus Covid 19. Il faut « nous battre, nous battre, nous battre ». Du point de vue informatif, cette triple répétition piétine et n’est qu’un pléonasme aggravé. Mais l’intérêt est justement que sa fonction n’est pas référentielle. On parle souvent, dans ce cas, d’intensification et de gradation : l’impact de l’infinitif nous battre croît. S’en tenir là cependant serait négliger la dimension de la parole, faite de voix et de temps.

À l’écoute les mots ne se remplacent pas, ils s’ajoutent les uns aux autres – répétition syntagmatique et non paradigmatique. L’effet est donc absolument différent, selon qu’on lit, ou bien qu’on écoute la triple répétition : ce qui est tautologique à l’écrit ne l’est plus à l’oral. Dans un discours parlé, le seuil de trois répétitions marque le seuil d’émergence du rythme et rapproche la parole du chant. Dans toutes les langues, la triplication, prononcée dans des circonstances solennelles, assume une fonction incantatoire et renoue avec une fonction performative primitive pour laquelle dire, c’est faire advenir.

L’assimilation de la maladie à un ennemi est une métaphore conceptuelle  (de celles qui organisent notre langage au quotidien : « combattre une épidémie », « lutter contre l’invasion des métastases », « vaincre le cancer », etc.). Emmanuel Macron la remotive par la triplication et l’ajout du « nous » collectif qui enjoint, autant qu’à la lutte, au rassemblement. La performativité de la clausule sert alors un genre délibératif millénaire : la harangue aux soldats.

Billet écrit à quatre mains par Emmanuelle Prak-Derrington et Hugues Constantin de Chanay

Posted in Figurez-vous...Tagged clausule, délibératif, gradation, intensification, métaphore conceptuelle, performatif, pléonasme, répétition, tautologie

« Bientôt la tempête »

23 septembre 202015 décembre 2020 Hugues Constantin de Chanay

Willem, Libération, vendredi 18 octobre, p. 19

Voici, grâce à Willem, dévoilés les partis pris souvent sous-jacents à la reconnaissance des figures rhétoriques. Le 18 septembre il dessine, dira-t-on sans juger, une antithèse entre les discours effrayants (discours d’Édouard Philippe, solide et seul au sol, « bientôt la tempête ») et les discours rassurants (discours de tous les autres, ballottés dans les airs, Emmanuel Macron en tête accompagné de ses soutiens non identifiés, « ne sème pas la panique », « alarmiste », « c’est très exagéré »). Numériquement supérieurs, ceux-là sont les discours dominants. Imaginons qu’ils disent la vérité : point de rhétorique chez eux, par contre Philippe commet une hyperbole fallacieuse. Mais si l’écart joue dans l’autre sens, si le nom de « tempête », jugé conforme à une réalité, paraît orthonymique, alors les discours dominants sont non seulement, sous des dehors divers, des euphémismes mais des dénis : ils ne présentent pas seulement le verdict sous de nobles dehors, ils l’inversent.

Peut-on trancher ? Dans le dessin oui.

La tempête (celle de l’épidémie : métaphore actuellement transparente) n’y est pas seulement dite par l’un, elle y est surtout montrée par le dessinateur. L’iconicité lui affecte ainsi un coefficient de réalité mais n’en affecte aucun à la sérénité. Cela veut-il dire, si l’on file la métaphore, que Macron et tous ceux qui tiennent le même genre de discours seront balayés par le vent ?

Posted in Figurez-vous...Tagged analyse d'image, antithèse, déni, euphémisme, hyperbole, iconicité, métaphore, métaphore filée, orthonymie

Universités. UNE RENTRÉE EN DÉMERDENTIEL

18 septembre 202013 octobre 2020 Hugues Constantin de Chanay

(une de Libération, 16 septembre 2020)

« Démerden Sie sich » : le néologisme de forme en une de Libération,« en démerdentiel » rejoint la tradition linguistique consistant à tourner en dérision, en les parodiant, les discours oppressifs et dénonce un divorce entre les subtilités théoriques de la recherche pédagogique (-tiel) et le peu de cas qui est fait des conditions pédagogiques pratiques (démerd-).

La création, transparente, repose sur une motivation morphologique puisque le néo-dérivé prend pour base la forme verbale démerd-, que tout Français interprète comme un équivalent familier de « se débrouiller », et pour suffixe –tiel, présent dans le couple en vogue des antonymes en présentiel/en distanciel.

Ces antonymes ne sont pas apparus ensemble. En présentiel a longtemps vécu seul, signifiant « en présence à distance », par exemple par visioconférence, c’est-à-dire exactement la même chose qu’aujourd’hui en distanciel. L’apparition de celui-ci a donc été contemporain d’un néologisme de sens affectant en présentiel qui s’est mis à signifier exactement le contraire de ce qu’il signifiait jusque-là.

Quasi inévitable en ces temps d’épidémie dès que l’on parle d’enseignement, l’opposition a une forte connotation didactique : le virus interdit les formes traditionnelles d’enseignement, mais on évolue, n’est-ce pas, on s’adapte, et heureusement la didactique nous a trouvé des équivalents. -tiel, suffixe adjectival, rappelle qu’on ne parle pas de choses mais de « modes » – « mode présentiel », « mode distanciel ». La présence et l’absence, en fait l’absence surtout, sont par là déliées des conditions concrètes de participation.

Il y a comme une idéologie implicite sous ces mots, semble dire Libération : nos dirigeants font mine de croire que l’apprentissage est avant tout une question de capacités cognitives et que peu importe le moyen par lequel on les atteint. Le mépris n’est pas loin. Professeurs absents ou présents dans le même espace, qu’est-ce que ça change au fond ? Comme si le ministère disait : « Désintéressons-nous des moyens. L’intendance suivra. »

Posted in Figurez-vous...Tagged antonymes, idéologie, néo-dérivé, néologisme de forme, néologisme de sens

Tout ça pour ça II

15 septembre 202015 septembre 2020 Hugues Constantin de Chanay

Utilisée sans guillemets par Alexandra Schwartzbrod en tête son éditorial du 12 septembre (Libération), la phrase « Tout ça pour ça », que n’importe qui produit sûrement en français depuis des temps immémoriaux, n’en est pas moins ces jours-ci un emprunt. Toute fraîche, encore dans toutes les têtes, la une récente de Charlie Hebdo en monopolise l’usage. Tout emploi devient un réemploi. Car, chose fondamentale, le dialogisme précède le discours. Il permet ainsi de ne pas tenir un discours en son nom seul mais de se tenir à la tête d’une nappe discursive qui lui donne, en quelque sorte, une généalogie – un pedigree plus exactement, c’est-à-dire une généalogie qui lui assure des qualités. La remontée dans un passé récent, offrant au discours d’aujourd’hui le contexte des discours d’hier, lui assure du même coup les classiques afférences contextuelles. L’éditorial d’Alexandra Schwartzbrod, qui énonce la ténuité des décisions de Jean Castex annoncées à grand bruit, bénéficie de la solide antithèse créée la semaine dernière par Charlie Hebdo sur un bien plus grave sujet – par là les annonces de Jean Castex se haussent à ce niveau, dont Alexandra Schwartzbord les fait choir, grâce à la même antithèse. Castex n’est pas au niveau de l’effervescence médiatique qu’il suscite. Eh bien, il n’est pas le premier. Dixit Charlie.

Posted in Figurez-vous...Tagged antithèse, dialogisme, emprunt

Tout ça pour ça

14 septembre 202015 septembre 2020 Hugues Constantin de Chanay

Dans son numéro du 2 septembre 2020, et à l’occasion du procès des attentats de janvier 2015, Charlie Hebdo cherche à souder autour de lui au-delà de ses lecteurs. « Tout ça pour ça » ne se comprend pas sans contribution. La seule marque de forme est l’antanaclase (deux fois « ça » en deux sens différents). Pour le reste la une vise le consensus sans pour autant renoncer aux valeurs de l’hebdo : comme la plupart des titres, celui-ci est un discours épidictique. Dans ses deux occurrences, le pronom démonstratif ça, abréviation courante de « cela », est déictique. La première est in absentia : il va sans dire que les lecteurs auront en tête les attentats de 2015, présentés par dialogisme comme disproportionnés et atroces (« tout ça »). La deuxième occurrence repose sur une monstration in præsentia : les images en une, intégrées au titre, fournissent pour contexte de pauvres caricatures. Pauvres, car la republication a condensé les images (et on ne les trouve pas décondensées à l’intérieur du numéro) : après coup, la rédaction peut se contenter de les convoquer en réduisant – au sens propre comme au sens figuré – leur charge initiale et donne un petit coup de pouce à l’interprétation de l’antanaclase en antithèse. Elle nous dit en quelque sorte : « Non, ces petites images ne méritaient vraiment pas tous ces meurtres », et qui pourrait y trouver à redire ? Nous lisons « tout ça pour ça », et, sous cet angle en effet, nous sommes tous Charlie.

Posted in Figurez-vous...Tagged antanaclase, antithèse, contexte, déictique, dialogisme, épidictique, monstration

Les vieux gardent-ils la chambre ?

7 septembre 20207 septembre 2020 Paul Bacot

Crédits photo : Bertrand Rindoff Petroff /Getty

Alors que s’annoncent les élections sénatoriales (dimanche 27 septembre), il n’est peut-être pas superflu de rappeler que c’est dans un mouvement de retour à l’Antiquité romaine que l’appellation Sénat a été introduite dans les institutions françaises par la Constitution du 22 Frimaire An VIII. Mais celle de l’An III, qui instituait pour la première fois le bicamérisme dans notre pays, avait déjà créé un Conseil des Anciens – ce qui d’une certaine façon en revenait au même, puisque le Senatus romain était ainsi dénommé par référence à l’âge de ses membres.

Il n’est pas certain que pour le plus grand nombre, le nom de la seconde chambre française évoque encore aujourd’hui la vieillesse. Certes, l’étymologie de sénat est suggérée par sa parenté avec d’autres mots : sénile, sénilité, sénescence, et le très à la mode senior. Mais il est probable que l’association d’idées entre un âge avancé et la composition de la chambre haute doive moins à la linguistique qu’à la sociologie.

De fait, après les renouvellements de 2017 des deux assemblées, respectivement en juin et en septembre, la moyenne d’âge de l’Assemblée nationale était de 48 ans et celle du Sénat de 61 ans. L’écart était substantiel, certes amplifié conjoncturellement par le net rajeunissement du Palais Bourbon suite à l’élection présidentielle « chamboule-tout ». Mais les raisons plus structurelles de cette différence, constante dans la durée, sont connues.

La loi, d’abord, fixe à 24 ans, et non pas à 18 comme pour les autres élections (présidentielle comprise), l’âge minimum pour postuler à un siège au Palais du Luxembourg. Mais surtout, elle fait désigner les sénateurs par un collège de grands électeurs, la plupart déjà détenteurs de mandats électifs et donc plus âgés que l’ensemble de leurs concitoyens, réservant souvent leurs suffrages à leurs pairs déjà expérimentés dans la gestion des territoires. Aussi les sièges de sénateurs viennent-ils souvent couronner une carrière d’élus locaux. Et le fait de dénommer Sénat la chambre haute est un hommage à l’ancienneté et à la sagesse.

Ce qui explique que le constituant de 1946 ait remplacé cette appellation par celle de Conseil de la République, pour bien marquer l’abaissement de la seconde assemblée par rapport à ce qu’elle était avant-guerre – et que celui de 1958 l’ait rétablie en même temps qu’il rendait au Sénat une partie de son lustre d’antan.

            On notera pour finir que dans les démocraties européennes, les chambres hautes portent souvent pour nom l’équivalent du mot français sénat. Mieux, ledit mot sénat est devenu un terme générique pour désigner toute seconde chambre, évoquant sans doute aussi, du fait de l’histoire et du droit, une instance marquée par l’âge de ses membres, et au-delà, par sa sagesse, voire son conservatisme. De fait, la structure regroupant toutes les secondes chambres d’Europe s’appelle Association des Sénats d’Europe.

            Un peu partout donc, au moins symboliquement par le truchement des mots mais aussi souvent dans la réalité démographique, les vieux gardent bien la chambre – du moins celle que paradoxalement l’on qualifie tout à la fois de seconde et de haute, contrairement à la traditionnelle association entre la hauteur et une certaine primauté.

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« La phase Dalida »

3 septembre 20203 septembre 2020 Hugues Constantin de Chanay

Précisant le 12 mars sur les chaînes nationales de télévision la position officielle vis-à-vis la pandémie due au Covid-19, Emmanuel Macron a dans le même temps fait, du moins dans son discours, une quasi volte-face idéologique en affirmant la nécessité de soustraire les biens et services publics aux lois du marché. Ces déclarations sont-elles à prendre pour argent comptant ? Eh non, pour la plupart des commentateurs. Dès le surlendemain, Laurent Joffrin écrit dans Libération, en clin d’œil au tube italien Parole parole (1972) repris l’année suivante par Alain Delon et Dalida : « Pour l’instant, nous en sommes à la phase Dalida : paroles, paroles… ». Formulation courante de la traditionnelle opposition entre le dire et le faire, le refrain est ici intégré à une création discursive assez spectaculaire (et cela convient très bien parce qu’il y a ici une pointe de sarcasme) : elle greffe une antonomase sur un substantif épithète : le nom propre – lui-même un concentré rhétorique :  homorythmie, allitération et épanadiplose (il finit comme il commence) – vaut ici pour les propriétés attribuées à la vedette qu’il désigne. Voilà donc E. Macron réduit, car il y a une contamination métaphorique sous-jacente, à une chanteuse de variétés décédée il y a 33 ans, référence culturelle grand public et rien moins que contemporaine. Et voilà enfin, par le présupposé d’existence porté par la détermination définie, le comportement présidentiel considéré comme une manière de réagir tout à fait ordinaire, quasi machinale, ce qui revient à lui dénier quoi que ce soit d’innovant, et surtout ramené à un pur show – discrédité par un « esprit paillettes ». C’est d’ailleurs ce qui est dit par ce dialogisme (propos initialement adressés par Dalida à son destinataire, mais projetés sur Emmanuel Macron par groupement métonymique) : « paroles, paroles… ». Bref, après avoir lu Laurent Joffrin, le désamour l’emporte : chansons que tout cela !

Crédits photo : H. Studte sur le site Cafébabel

Posted in Figurez-vous...Tagged allitération, anadiplose, antonomase, dialogisme, homorythmie, métaphore, métonymie

Le ou la COVID-19 ? Les réflexions d’Ange Bizet

9 juin 20209 juin 2020 Chloé Gaboriaux

Alors que tout le monde dit « le covid », l’Académie nous invite à préférer « la covid ». Ange Bizet revient pour nous sur cette prise de position à contre-courant.

Dans la rubrique « Dire, ne pas dire » de son site internet, au chapitre des « emplois fautifs », l’Académie française a publié le 7 mai dernier le communiqué suivant, sous le titre « le covid 19 ou la covid 19 » :

« Covid est l’acronyme de corona virus disease, et les sigles et acronymes ont le genre du nom qui constitue le noyau du syntagme dont ils sont une abréviation. On dit ainsi la S.N.C.F. (Société nationale des chemins de fer) parce que le noyau de ce groupe, société, est un nom féminin, mais le C.I.O. (Comité international olympique), parce que le noyau, comité, est un nom masculin. Quand ce syntagme est composé de mots étrangers, le même principe s’applique. On distingue ainsi le FBI, Federal Bureau of Investigation, « Bureau fédéral d’enquête », de la CIA, Central Intelligence Agency, « Agence centrale de renseignement », puisque dans un cas on traduit le mot noyau par un nom masculin, bureau, et dans l’autre, par un nom féminin, agence. Corona virus disease – notons que l’on aurait pu préférer au nom anglais disease le nom latin morbus, de même sens et plus universel – signifie « maladie provoquée par le corona virus (“virus en forme de couronne”) ». On devrait donc dire la covid 19, puisque le noyau est un équivalent du nom français féminin maladie. Pourquoi alors l’emploi si fréquent du masculin le covid 19 ? Parce que, avant que cet acronyme ne se répande, on a surtout parlé du corona virus, groupe qui doit son genre, en raison des principes exposés plus haut, au nom masculin virus. Ensuite, par métonymie, on a donné à la maladie le genre de l’agent pathogène qui la provoque. Il n’en reste pas moins que l’emploi du féminin serait préférable et qu’il n’est peut-être pas trop tard pour redonner à cet acronyme le genre qui devrait être le sien. »

Ce communiqué de l’Académie appelle plusieurs réflexions.

Le nom du virus :

Coronavirus est le nom couramment employé pour un virus à couronne. La désignation terminologique officielle est SARS-CoV-2. La forme orthotypographique (intervalles, majuscules, tirets…) constitue le terme normalisé. On trouve d’autres formes codées qui n’ont pas été officialisées. La partie désignant la maladie SARS, a été adaptée à la syntaxe française, en SRAS « syndrome respiratoire aigu sévère », mais le code de désignation du virus reste dans l’ordre syntaxique anglo-saxon, déterminant-déterminé. Ce virus a aussi, surtout au début, été couramment désigné de différentes manières comme virus de Wuhan ou virus chinois.

Dans le texte de la recommandation, « corona virus » est écrit en deux mots. Selon la syntaxe classique française, ce devrait être « virus corona ». Le déterminant se place devant le déterminé dans le mot composé, il convient donc d’écrire coronavirus. En l’écrivant en deux mots, l’Académie introduirait un anglicisme, or même en anglais on l’écrit en un seul mot, comme on le fait aussi dans les autres langues romanes.

Le nom de la maladie :

L’usage courant a d’abord été de désigner l’affection par le nom de l’agent selon le procédé métonymique habituel.
L’OMS (Organisation mondiale de la santé) a codifié l’appellation internationale COVID-19, acronyme sur l’anglais CO(rona)+VI(rus)+D(isease)-(20)19.Corona et virus sont issus du latin scientifique international ; disease est un mot anglais pour « maladie ». Comme le signale l’Académie, selon la tradition, on aurait eu le latin morbus. Dans l’acronyme lexicalisé, le d est démotivé en français. On comprendrait que l’Académie recommande covim avec le m de morbus pour conserver une composition classique. La forme bâtarde COVID ne fait que confirmer la substitution de l’anglais au latin comme langue scientifique de référence internationale. COVID est donc un anglicisme.

En fait COVID-19 est une de ces désignations techniques, un code alphanumérique à usage terminologique, taxonomique, une référence de classement technique ou commercial dont les composants, chiffres, lettres, ponctuations et autres signes graphiques, émaillés de sigles, acronymes, mots en général anglais. Qu’ils soient motivés, aléatoires ou arbitraires, dans l’usage courant ils sont largement démotivés.
Entre codes et noms déposés, ces désignations sont de plus en plus fréquentes dans la communication, par exemple pour des véhicules (C3 Aircross Rip Curl, R4L, B777-300ER, AMX30…), comme substituts onomastiques, désignations topographiques faisant office de toponyme (cote 304), ou odonymique (A6b, GR20), etc.

De tels codes posent un problème langagier, grammatical, orthographique, syntaxique… Pour l’emploi discursif de ce type d’appellations non linguistiques, le traitement grammatical minimal consiste à leur affecter un article, donc un genre et un nombre, sans qu’il soit possible à l’unité « lexicale » de porter les marques flexionnelles. Cela permet au moins une intégration syntaxique.

Pour s’exprimer couramment, on utilise un nom ordinaire. Alors, comment nommer en français les maladies causées par les coronavirus ?
Suivant les structures productives régulières du français, pour former un nom de maladie, on procède par suffixation en -ite, -pathie ou -ose, (hépatite, neuropathie, dermatose). Virose est attesté depuis 1952. Il suffit d’employer coronavirose déjà en usage pour les affections animales (et c’en est une). En contexte, point n’est besoin de plus de précision ; on se contente généralement de parler de grippe et de rhume, dont les souches virales sont multiples.

Le genre :

Covid-19 a d’abord été compris comme un autre nom du virus. L’usage a spontanément été le masculin. Huit semaines plus tard, l’Académie publie une remontrance en faveur du genre féminin (pour une fois qu’un nom de calamité était masculin !).

Que covid-19 soit féminin ou masculin n’a aucune importance puisque les deux genres conviennent aux noms de maladies (un rhume, une lombalgie, un lumbago). Le choix du genre de tels codes ne présente aucun enjeu pour la langue  française.

La justification avancée est : « Les sigles et acronymes ont le genre du nom qui constitue le noyau du syntagme dont ils sont une abréviation ». Dans les exemples choisis en anglais, Bureau et Agency, ont leur équivalent direct, puisque d’origine française (comme par essence la moitié la plus savante du lexique anglais), le genre ne fait donc pas de doute en français, mais cela ne tient pas compte du fait qu’en anglais ces mots n’ont pas de genre défini. De toute façon, quand un mot est emprunté, il ne conserve pas ses caractéristiques grammaticales. Il peut changer de genre, ou de nature. Même quand la forme en est conservée, nombreux sont les noms qui changent de genre en changeant de langue, la samba est masculin en brésilien, l’ancienne monnaie allemande le mark, est die Mark en allemand, etc.

L’Académie s’appuie donc sur l’hypothèse qu’il faudrait affecter l’acronyme du genre du mot français résultant de la traduction. Le résultat n’est pas évident, puisqu’on pourrait aussi bien traduire par un nom masculin, par exemple simplement mal qui depuis longtemps sert à désigner des affections (haut mal, mal de Pott…). On peut très bien traduire par « mal du coronavirus ».

Si on prend en considération l’étymologie, disease est une forme préfixée de ease, issu du français aise,nom féminin certes, mais le véritable équivalent avec préfixe péjoratif est malaise, qui, s’il a pu être féminin est maintenant bien masculin[1].

Il n’y a donc aucune détermination automatique du genre de l’emprunt.

L’ironie est qu’à la différence de l’anglais qui n’a pas de genre grammatical pour ces mots, en latin, morbus (justement revendiqué par l’Académie) est masculin.

La justification avancée pour contredire un emploi établi prend donc un caractère arbitraire.

Le ton de la conclusion de l’Académie est modéré, au conditionnel, « l’emploi du féminin serait préférable », « le genre qui devrait être le sien », mais sous la rubrique « Emplois fautifs ». Cela est donc reçu comme injonction impérieuse de l’Autorité linguistique. En l’occurrence, cette autorité est en contradiction avec son principe constamment énoncé, de soumission à l’usage.

Plutôt que de semer une insécurité linguistique supplémentaire, l’occasion était belle de proposer pour l’usage dans la langue courante un vrai mot de formation classique, au lieu de cautionner un anglicisme en forme de code chiffré.

Les désignations à usage scientifique universel ont leur utilité de référence taxonomique, mais l’Académie traite de la langue, et en français, on n’utilise pas « Felis silvestris catus (Linnaeus, 1758) » pour appeler un chat « un chat ».

L’Académie n’a pas encore publié l’article « virus » dans la neuvième édition de son dictionnaire en cours d’achèvement, il est peut-être temps encore de traiter le dérivé virose comme nom de maladie, et d’y inclure coronavirose.

Ange Bizet


[1] L’ancien français a connu de multiples variantes orthographiques (Cf. La Curne de Sainte-Palaye, Dictionnaire historique de l’ancien langage françoise), et désaisé (« Dictionarie » de Cotgrave). Malaissé a eu le sens de malade » (1398).

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Distanciation sociale : qu’aurait pensé Edward T. Hall ?

5 juin 20208 juin 2020 Dominique Desmarchelier

Je ne reviendrai pas sur le choix du terme « sociale » plutôt que « physique », largement débattu récemment par des sémiologues, sociologues, médecins, résultant d’une traduction prise au pied du mot de l’américain « social distancing ».

C’est à la demande du Département d’État qu’une étude des distances interpersonnelles fut conduite par l’anthropologue Edward T. Hall dans les années 1950.  L’objectif initial était de comprendre, notamment, pourquoi les diplomates et représentants des ambassades américaines au Moyen-Orient rencontraient des difficultés dans les négociations, malgré une connaissance parfaite des langues locales. Une étude approfondie fut menée chez des sujets de la classe moyenne de la côte nord-est du continent américain.

Ces recherches permirent de définir des distances culturelles correspondant à différents types d’échanges. Edward T. Hall constata que les mesures observées variaient selon les personnes mais aussi selon les cultures, à l’instar de leur approche de l’espace. Il donna le nom de proxémie à cette théorie des distances variant avec les cultures.

Il put ainsi définir quatre zones (voir le schéma ci-dessus), correspondant aux différents types d’échanges. Il en conclut que selon les cultures et les lieux, certaines personnes se situaient toujours dans les « modes » qualifiés de proches, alors que d’autres se maintenaient dans des modes éloignés. D’où des malentendus ou « offenses proxémiques », si l’on pénétrait dans la bulle que souhaitait maintenir l’interlocuteur (cf. tableau).

Les récentes mesures de « distanciation sociale » liées au COVID 19 ont bien évidemment remis en cause ces notions, en particulier pour les distances intimes et personnelles.

Ces règles furent plus facilement respectées dans les cultures habituées à maintenir des modes éloignés, y compris dans les rapports personnels (on pense au Japon). A l’inverse, les cultures méditerranéennes, vivent plus difficilement ces mises à distance forcées. Maintenir une distance de 1,20 m entre les personnes dans les lieux publics, représentait dès lors une gageure, notamment lorsqu’une conversation s’engageait.

Pour conclure, inspirons-nous de Marivaux, passé maître dans l’art de la distance amoureuse :

– Monsieur, gardez vos distances, je vous aimerai peut-être.

– Enlevez ce peut-être, et j’en serai bien aise.

– Il n’est peut-être là que pour la bienséance…

– Le voici un peu mieux placé.

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« Le monde d’après »

21 mai 202022 mai 2020 Paul Bacot
Photographie : Duangphorn Wiriya via Unsplash

De quel monde parle-t-on quand on utilise l’expression le monde d’après ? La locution adjectivale invariable d’après, construite à partir de la préposition après prise dans son acception temporelle, signifie « suivant », « qui vient après ». A priori donc, le monde d’après est le monde qui va venir après le monde actuel. Mais les choses ne sont peut-être pas si simples.

La première question qui se pose est celle du sens qu’il convient de donner à monde. S’agit-il de l’univers entier, de notre planète, de la société humaine en général ou de la nôtre en particulier ? Le flou sur la définition de l’objet permet une certaine marge de liberté à celles et ceux qui tentent de prédire la suite des événements ou de prescrire les choix à effectuer.

La seconde question concerne la locution d’après. D’abord parce que, en tant que préposition, après appelle l’indication de ce qui suit. Et aussi parce qu’après est un élément de formation lexicale, donnant de nombreux mots composés dans lesquels il est suivi d’un substantif (après-guerre, après-midi.…). Du coup, quand on entend parler du « monde d’après », il semble qu’on ne puisse s’empêcher de se demander : « après quoi ? » – même si la réponse est en principe, comme on vient de le dire : « après le monde actuel ».

De fait, une rapide interrogation de Google nous renvoie à de multiples occurrences d’expressions comme le monde d’après la pandémie ou le monde d’après le coronavirus. Mais la plupart du temps, on nous parle du « monde d’après » sans que l’adverbe après devienne préposition, et donc sans plus de précision. On ne sait donc pas très bien après quoi va venir ce monde. Sera-t-il celui d’après le confinement (nous y serions donc déjà, en espérant ne pas devoir y retourner), celui d’après la pandémie (il semble malheureusement qu’on aurait alors du temps devant nous pour nous préparer à la suite), celui d’après la survenue des conséquences économiques et sociales de l’épidémie et de son traitement (lesquelles devraient apparaître progressivement, durant une longue période) ?

Mais à lire et à entendre ce qui s’écrit et se dit à propos de ce mystérieux « monde d’après », on peut se demander si l’énigmatique d’après ne serait pas la locution prépositive signifiant « en se référant à », « selon l’avis de ». Savants et politiciens venant nous décrire ce qui nous attend après le coronavirus semblent à peu près tous trouver dans les événements actuels la confirmation de leurs thèses habituelles – même lorsqu’ils affirment d’abord le contraire. En somme, le « monde d’après », c’est souvent le monde d’après… moi, le monde selon moi.

 N’oublions pas, cependant, que après peut aussi être un nom masculin signifiant « futur », « avenir » – ce qui nous amène à poser une question préalable aux précédentes : y aura-t-il un après, après la pandémie ? Quelques mots et quelques notes de Guy Béart nous reviennent à l’esprit :

Il n’y a plus d’après,

A Saint-Germain-des-Prés.

Ce qui laisserait envisager un « monde d’après » tellement différent du précédent qu’on pourrait ajouter :

Ce n’sera plus toi,

Ce n’sera plus moi.

Sont-ils plus optimistes, ceux qui ironisent en prédisant que le monde d’après ressemblera furieusement au monde d’avant ?

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