(Les Matins de France Culture, 17/05/2018 à 8 h 30)
Il est des métaphores si ténues qu’on les voit à peine : c’est le cas de l’emploi du verbe « exister » dans « l’opposition peine à exister », énoncé par lequel Nicolas Roussellier sur France Culture illustrait la centralité, voire l’hégémonie, du courant politique d’Emmanuel Macron. Faut-il y voir une métaphore et non un emploi littéral, s’il s’agit de dire non pas seulement « avoir une réalité » mais « avoir de l’importance, de la valeur » (Le Petit Robert, qui voit là un « sens fort ») ? C’est toute la question de l’usage. On distingue couramment les métaphores vives (ou d’invention) et les métaphores figées (ou éteintes). Mais cette dichotomie tranchée appelle une sérieuse nuance : qu’un phénomène linguistique puisse être dit courant, cela dépend du type de discours ainsi que du contexte ; en outre le repérage d’une figure dépend du sens que l’on donne à l’énoncé. Figure ou pas figure ? Ce n’est jamais aussi clair qu’on voudrait. Ce qu’on peut dire, c’est que sur « exister » il peut y avoir une métaphore tout à fait plate dans le discours du sport : « au final, seule Flavie Acier (3/6) est parvenue à exister pendant un set » (Journal de Saône et Loire, 14 mai 2018, p. 10). Mais dans un contexte différent – un nom de ville, par métonymie pour l’équipe de cette ville – la métaphore se réveille : « Gueugnon n’a pas existé » (gros titre du même article). Alors, l’opposition qui peine à exister, on peut raisonnablement voir là une métaphore éteinte, ou même en voie de lexicalisation avancée (c’est-à-dire qu’on n’aurait plus de figure, mais le sens littéral). Mais ce que montre l’exemple gueugnonnais, c’est qu’il est devenu normal d’utiliser en politique le vocabulaire du sport (avec tout ce que cela évoque d’émulation saine), bien plus : des matchs, ces combats fair-play entre individus qui sont assez éloignés de la politique, si l’on entend par là l’art de garantir la vie en société.