Guillaume Erner, « L’humeur du matin », France Culture, 21 septembre 2021
La représentation en France d’une diversité politique s’étendant de la « droite » à la « gauche » avec des corrélats doctrinaux latéralisés résulte au départ d’une métonymie : après la révolution de 1789, dans la première assemblée, le regroupement à droite ou à gauche de l’amphithéâtre révélant la position prise sur la question du veto royal. Très vite cette mise en espace est devenue une métaphore diagrammatique ouvrant la possibilité de préciser une position politique sur plusieurs axes graduels solidaires : rôle plus ou moins important dévolu à l’État, marge plus ou moins grande offerte à la liberté individuelle, attention plus ou moins grande portée aux questions sociales. Spatialement parlant, les extrêmes sont sur les bords, non au centre : « extrême centre » est géométriquement un oxymore.
Au sens métaphorique, où le centre est le point d’équilibre entre deux « positions », « centre radicalisé » est aussi un oxymore, « radicalisé » s’étant émancipé du sens politique traditionnel de « radical » et signifiant désormais au premier chef « sans compromis », même pour trouver un équilibre. Que veulent dire ces figures ? Qu’Emmanuel Macron est peut-être devenu bien seul : naguère roi du « en même temps », le centre fédérant les bords, serait-il devenu, face aux extrêmes qui le récusent, un centre isolé qui doit être tenace, s’agripper, tenir mordicus à son identité envers et contre tous ? Et – par un dialogisme permettant d’exprimer en quelques mots une transformation de politique tactique – le « et… et… » cèderait-il la place à un classique « ni… ni… » ?