Le nom de l’organisation politique dont la création a été annoncée par Edouard Philippe samedi 9 octobre au Havre se conforme à la tendance contemporaine en la matière. À la forme longtemps dominante /nom de collectif/+/caractérisation de celui-ci/, dont les exemples sont Parti socialiste, Rassemblement national ou Mouvement des démocrates, on voit se substituer celle qui ne comporte que le second élément, nom et/ou adjectif éventuellement précédé d’un article ou ponctué d’un point d’exclamation (Les Républicains, La France insoumise, Libres !). Mais contrairement à d’autres cas, il ne s’agit pas ici d’écarter l’appellation parti, réputée honnie, ou ce qui peut apparaître comme un équivalent, puisque l’adresse du site dédié est horizonsleparti.fr, et que celui-ci appelle à soutenir « le parti Horizons », à se rassembler « au sein d’un parti politique », de « construire un parti », et à « rejoindre le parti Horizons ». La motivation est d’un autre ordre : se conformer aux normes actuelles du marketing.
Pour ce qui est du mot unique constitutif du nom du parti, horizon, on notera là encore une adaptation à la tendance contemporaine, selon laquelle plutôt que de spécifier le camp dont le parti se veut le porte-parole (communiste, radical, socialiste, républicain, patriote, national, insoumis, démocrate), le mot retenu par certaines dénominations récentes est porteur d’une signification floue (génération, agir, marche). En quoi le nom Horizons peut-il nous renseigner sur ce qui distingue de leurs adversaires les personnes que l’on veut rassembler sous cette bannière ? On repense au titre du livre-programme de Gaston Defferre, candidat à la candidature présidentielle en 1965, Le nouvel horizon (Gallimard), lequel suggérait au moins l’idée d’un changement, ce qui n’est pas le cas avec le nom du parti philippiste, même si son site nous parle d’imaginer « un nouvel horizon pour la France ».
La métaphore nous renvoie à cette ligne qui recule au fur et à mesure qu’on avance : difficile à décrypter, si ce n’est que l’idée d’avancer peut être rapprochée de celle de la marche et de la revendication « progressiste » de l’actuelle majorité présidentielle. Mais l’horizon se définit d’abord comme une limite, celle de notre vue sur une planète sphérique (le mot vient du grec horizein, qui signifie « borner ») – ce qui pourrait évoquer une autolimitation des ambitions du nouveau venu : hypothèse improbable, sauf à se fixer comme objectif le dépassement de l’horizon, comme John F. Kennedy voulait le faire de sa « nouvelle frontière ». La mise au pluriel ne clarifie pas le propos : peut-on avancer dans tous les sens, avec des limites de toutes parts ? Alors, peut-être faut-il penser à une autre façon de définir l’horizon : la rencontre du ciel et de la mer. L’omniprésence du bleu sur le site irait dans ce sens – en même temps qu’elle reprend la couleur emblématique de la droite française… qui est aussi la préférée des Français (et d’autres dans le monde). Avec possiblement une chambre bleu horizon en vue pour juin 2022, et la conjuration du danger d’un retour des « Gilets jaunes ».
Edouard Philippe nous suggère une autre clé d’interprétation du nom qu’il a choisi. Il s’agirait de « voir loin pour faire bien », « pour que notre pays puisse regarder loin ». Son parti serait alors celui de l’anticipation, de la priorité du long terme sur le court terme. D’où sans doute celle donnée au remboursement de la dette ou au recul de l’âge de la retraite…
On est en fait en présence d’un nom-slogan au contenu flou, destiné d’abord à séduire les électeurs sans référence précise. Comme le nom d’un parti est à la fois celui d’une entreprise et celui du produit qu’elle offre, il est clair qu’aujourd’hui, la marque l’emporte sur la raison sociale. Car il s’agit bien de proposer « une nouvelle offre politique », sans que l’étiquette dise grand-chose du contenu.