(Libération, 30 mars 2017)
Ainsi est sacré Manuel Valls par la une de Libération le 30 mars 2017, au lendemain de l’annonce de son soutien à Macron et non à Hamon, comme le voudraient aussi bien son affiliation au PS que le serment de soutenir le vainqueur de la primaire socialiste. Manuel Valls est donc déloyal dans les faits, et exemplairement déloyal, ce qui correspond aux deux traits caractéristiques de cette une. Primo, « Monsieur Déloyal » évoque pour tout le monde « Monsieur Loyal ». Seulement, cette apparente source ne désigne à l’origine aucune loyauté incarnée en un « monsieur », parce que Loyal n’y est que le nom propre de plusieurs directeurs de cirque qui se transmirent de père en fils fonction et nom et furent suffisamment célèbres pour rendre simple la désignation de la première par le second (ce qu’on appelle « antonomase »). Secundo, Manuel Valls est photographié de manière à devenir aussi exemplaire que Monsieur Propre ou Monsieur Univers : en pied, bras croisés, sérieux comme une allégorie, cravaté, l’air de supériorité accru par la prise en contre-plongée, il tient la pose devant un décor XVIIIe qui l’associe immédiatement aux fonctions officielles et à la tradition. Cette exemplarité ne peut être qu’ironique puisque la déloyauté, contrairement à la propreté ou à la beauté, n’est rien de moins qu’une valeur partagée.