(Nicolas Sarkozy, Le Canard enchaîné, 15 mars 2017)
Lorsque, en référence aux déboires du candidat LR, Nicolas Sarkozy déclare que « Fillon est mort de chez mort », il emprunte au parler ultra-contemporain une construction marquant l’intensité. Sous l’influence des hébraïsmes bibliques (« vanité des vanités »), le français admet certes un petit nombre de pléonasmes d’énergie (« vrai de vrai » fonctionne ainsi comme un superlatif) ; mais il ne tolère pas que la préposition « chez » soit suivie d’un adjectif. Déroutante au plan linguistique, la construction utilisée par N. Sarkozy l’est aussi au plan du contenu, puisque F. Fillon n’est pas décédé. La redondance a ici une valeur performative, dans la mesure où elle semble concrétiser par la parole la réalité qu’elle évoque : Sarkozy, battu à la primaire, signe symboliquement l’acte de décès de son ancien adversaire politique. Mais la syllepse permet à l’orateur de dépasser l’attaque personnelle : « mort » pris au sens figuré de « fichu » ‒ comme dans l’expression populaire « C’est mort ! », qui signale l’échec d’un projet – désigne la faillite de la droite tout entière. La suite du propos le confirme : « Et toute solution alternative est morte aussi. Ça va donc être le chaos ».