(François Fillon devant les parlementaires LR, 1er février 2017)
Lorsqu’il a dénoncé la « tentative de coup d’Etat institutionnel » dont la gauche se serait rendue coupable à la faveur du « Penelopegate », François Fillon a retenu l’attention des médias, en maniant à la fois la redondance et l’oxymore. De fait, la formule détonne.
La première bizarrerie tient à ce qu’un coup d’Etat est, par définition, une action illégale, inconstitutionnelle, visant à s’emparer du pouvoir d’Etat. L’usage de l’expression par celui qui n’était alors que candidat signifie qu’il se considère déjà président de la République. L’expression coup d’Etat institutionnel a certes été souvent utilisée à propos du Brésil dans les mois précédents, mais Dilma Rousseff, elle, occupait réellement la fonction présidentielle.
La seconde bizarrerie résulte du fait que, pour que ce renversement soit présenté comme un « coup d’Etat », il faut que l’action soit contraire à la légalité. Mais comment le qualifier alors d’« institutionnel » ? Soit l’épithète signifie que les faits reprochés se déroulent dans le cadre même des institutions, ce que le syntagme coup d’Etat dit déjà (c’est même ce qui différencie le coup d’Etat de la révolution) : le propos est alors redondant. Soit l’épithète signifie que l’opération dénoncée est conforme à la légalité institutionnelle, et l’on dit une chose et son contraire : le propos ressortit alors à la catégorie de l’oxymore.
En somme, François Fillon se plaint d’un vrai-faux coup d’Etat intervenant dans une situation fantasmée – celle de sa présence à l’Elysée. Ce qui explique peut-être qu’il ait pu parler de « tentative » : dans son esprit, il est encore à l’Elysée, malgré l’opération ayant visé à l’en chasser.