(Alexis Corbière interviewé dans Libération, 25 août 2017, p. 10)
Dénonçant dans Libération une casse sociale opérée par le nouveau gouvernement, notamment par la réforme en cours du code du travail, qui ruinerait le lent et patient effort ayant conduit les travailleurs à l’obtention de leurs droits actuels, Alexis Corbière conclut : « le dessein macronien, c’est La République en marche… arrière ! ». Pour mettre en place cette antithèse in absentia, dont il n’est pas le seul à s’amuser, il joue sur une propriété bien commune de la langue, propriété exploitée par le nom qu’Emmanuel Macron a donné à son mouvement : les hyperonymes censés neutraliser une opposition (en l’occurrence marche avant et marche arrière) penchent en réalité vers l’un des termes, celui qui est valorisé. Il y a de bons et de mauvais rêves, mais l’un se nomme lui aussi rêve tandis que l’autre se nomme cauchemar. Ainsi pour longueur, sentiment, émotion, etc. : seul ce qui est court, mauvais ou désagréable porte un nom spécifique. Avantage collatéral de cette propension, la sous-catégorie positive semble aller de soi puisqu’elle porte le même nom que la catégorie générale : il va sans dire que la marche proposée par LREM sera une marche en avant. Or la médaille a son revers. En faisant de cette qualité quelque chose de non dit mais attribué par réflexe, le nom choisi pour LREM permet sa propre éclipse par un discours explicite qui irait glorieusement à l’encontre des automatismes. Par conséquent, celui qui, comme Alexis Corbière, sait discerner que cette marche est une marche arrière, est nécessairement plus fin que celui qui, sans voir plus loin, laisse paresseusement cette marche se transformer par défaut en marche avant. Autrement dit, à rhétoricien, rhétoricien et demi.