(Marine Le Pen, France 3, 4 juin 2017)
En appelant le président de la République française, Emmanuel Macron, à « prendre la tête d’un Yalta du contre-terrorisme avec la Grande-Bretagne, l’Allemagne, les Etats-Unis, la Russie » – « plutôt que de fanfaronner » – l’ancienne candidate à l’élection présidentielle et actuelle candidate à la députation prend quelque risque dans le maniement de l’antonomase. Car transformer un nom propre en nom commun suppose que le second renvoie clairement à une caractéristique bien connue de ce que dénomme le premier. Bien sûr, dans son propos, Yalta n’est pas la station balnéaire de Crimée mais, par métonymie, la conférence internationale qui s’y tint du 4 au 11 février 1945. Mais un Yalta ne signifie habituellement pas n’importe quelle « conférence internationale ». Le vocable renvoie toujours, par métaphore, au résultat, au demeurant largement fantasmé, de celle-ci : un « partage de l’Europe » entre les Anglo-Américains et les Soviétiques en vue de l’après Seconde Guerre mondiale, lequel avait en fait déjà été acté. Le problème dans la figure de style lepénienne tient donc d’abord au fait que la France, de même évidemment que l’Allemagne, avait été exclue de l’historique rencontre tripartite (URSS, USA, Royaume Uni) : il faudrait donc plutôt parler d’une « revanche de Yalta ». Mais on se demande surtout à quel partage la présidente frontiste voudrait convier les cinq puissances citées par elle. Si c’est du Moyen-Orient qu’il s’agit, cela a déjà été fait à une autre époque, avec les Accords Sykes-Picot de 1916. Mais comme cette hypothèse n’est guère convaincante, on se perd en conjectures sur ce Yalta qui n’aurait rien à répartir !