(Libération, 17 mars 2017, p. 14)
Le surlendemain de son élection comme président de la République française, Emmanuel Macron choisit son premier ministre dans le camp de ses adversaires politiques.
Certes le discours macronien s’est présenté comme fédérateur, au-dessus de l’opposition traditionnelle entre droite et gauche. Cependant il est identifié comme provenant du gouvernement Hollande, c’est-à-dire de la gauche. D’où l’affichage d’une attitude de conciliation, et non pas d’adversité, à l’adresse de la droite, qu’il appelle « main tendue » (les guillemets dans le texte de Libération délimitent une zone de discours rapporté, autrement dit un îlot textuel). Pour la droite à qui est tendue cette main, rien ne se passe comme prévu.
Les deux points signalent une équivalence qui n’est pas la même pour tout le monde : la main tendue équivaut en principe à une offre de paix ; mais le journal propose comme sens métonymique du geste une conséquence qui inverse les attentes. Point de réconciliation, mais une correction administrée (« la droite prend une gifle ») et endurée (« et serre les poings »). Cette solidarité entre le geste pacifique et ses suites combatives est renforcée par le filage des métonymies qui impliquent toutes la main (il y a, autrement dit, une isotopie). En outre, ces métonymies se ressemblent : un geste a une signification récupérée par le discours (bienveillance pour la main tendue, victoire physique pour la gifle, acceptation de mauvais gré pour les poings serrés : on peut voir là une motivation transsémiotique). Le journal suggère ainsi qu’il fallait s’attendre aux suites réelles de la « main tendue » sans s’arrêter à sa signification courante. Il fait ainsi passer la droite, naïve ou impuissante, pour le dindon de la farce – et confère du même coup à Macron l’image peu enviable de la duplicité.
Crédits photo : Albert Facelly / Libération