(Aurore Bergé, France 24 et RFI, 16 mai 2017)
La prosopopée est peut-être la figure de style la plus répandue dans le discours de et sur la politique. Politiciens de tous bords (issus et de la droite, et de la gauche, ou de l’ainsi dénommée ‘société civile’) et commentateurs de tous statuts (experts ès opinions, journalistes ou clients du célèbre Café du Commerce) ne se lassent jamais de faire parler un locuteur qui n’est pourtant pas présent, et pour cause, puisqu’il s’agit d’un collectif de plusieurs dizaines de millions d’individus. Premier exemple : au lendemain du premier tour de la présidentielle, Bernard Poignant, ancien maire socialiste de Quimper et conseiller du président Hollande pour quelques jours encore, déclare que « … les Français sont satisfaits de la qualification d’Emmanuel Macron […] les Français ont voulu ‘renverser la table’ ». Au vu des résultats chiffrés du scrutin, la première affirmation est un peu osée… La seconde ne peut certes pas s’appliquer aux Français dans leur totalité, mais à coup sûr à une bonne part d’entre eux, et la métaphore ludique rend bien compte d’une lecture possible de cette élection, à travers la cause (la colère) et la modalité (brutale) de l’événement. Deuxième exemple, avec Aurore Bergé, responsable nationale et candidate de En Marche !, à propos des prochaines élections législatives : « Les Français ont envie de donner une majorité à En Marche ! ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette envie est loin d’être ressentie de façon unanime, même si elle semble être partagée par une majorité (relative) du corps électoral. Mais sans doute faut-il voir dans ces propos construits sur le modèle [les Français pensent que] une stratégie à visée performative : si « les Français » pensent que…, alors moi qui suis Français, puis-je penser autrement ?