Benoît Hamon, France inter, 10 mai 2017
Si elle semble marquer la fin de la bipartition politique et le discrédit des formations partisanes, l’élection d’Emmanuel Macron ne signe pas la mort de la gauche : Benoît Hamon entend bien ranimer cette dernière en créant un nouveau mouvement citoyen. À l’heure où La France insoumise se mobilise pour les législatives, où Taubira, Aubry et Hidalgo lancent leur propre initiative, on pourrait craindre qu’Hamon ne disperse plus qu’il ne rassemble. Mais l’intéressé dit croire comme Jaurès aux « aurores incertaines » : aussi regarde-t-il vers l’avenir, tout en rappelant sa dette à l’égard de la tradition socialiste bafouée par ses anciens adversaires Manuel Valls et Emmanuel Macron. Valls, qui souhaite prendre le train présidentiel en marche, est nommément attaqué avant qu’Hamon ne raille indirectement son « opportunisme compulsif ». Cette formule ‒ où l’adjectif « compulsif » suppose une récurrence qu’implique déjà le mot « opportunisme » (attitude consistant à saisir plusieurs/toutes les opportunités et à les tourner à son avantage) ‒ fait de Valls un homme maladivement pressé, qui court après le pouvoir. Or Jaurès déclarait : « […] les forces de sagesse, de lumière, de justice, ne peuvent se passer du secours du temps, et […] la nuit de la servitude et de l’ignorance n’est pas dissipée par une illumination soudaine et totale, mais atténuée seulement par une lente série d’aurores incertaines ». Ainsi développée, la citation suggère qu’Hamon, en identifiant ses propres projets aux « aurores » qui annoncent des mutations lentes mais profondes (un avenir radieux ?) s’oppose implicitement au « météore » Macron. Est-ce un hasard si le locuteur s’inspire du « Discours à la jeunesse ? Macron, qui n’a pas quarante ans, brillerait-il de cette « illumination soudaine et totale » que Jaurès tenait pour illusoire ?
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